30 juin 2017

Qui veut célébrer 150 ans d’injustice?

La justice, c’est l’appréciation, la reconnaissance et le respect des droits et du mérite de chacun (Petit Robert). Quand j’ai pris connaissance (sur le tard) de ce qu’on avait fait aux Autochtones, j’ai été outrée – horrifiée est plus approprié. Même chose quand j’ai entendu parler des prêtres pédophiles qui s’adonnaient à cette pratique non seulement dans les pensionnats autochtones mais aussi dans ce qu’on appelait les «écoles de réforme» réservées aux orphelins et en d'autres institutions cléricales. Quelle édifiante civilisation judéo-chrétienne!

Pensionnat autochtone

Je comprends que les Premières Nations n’aient pas envie de fêter le 150e du Canada, car ce faisant on célébre l'assise de la monarchie constitutionnelle d'un océan à l'autre qui, d'une certaine manière, légitima le génocide de leur peuple. Habituellement cette fête entend surtout glorifier l’histoire des Canadiens d’origine européenne.

À ce sujet, je vous invite à écouter les panelistes de l’émission Aujourd’hui l’histoire :

Le Canada, une histoire de relation trouble avec les Autochtones
Dépossédés de leurs terres et brimés dans leur identité, les premiers habitants du pays ont connu une histoire tumultueuse et douloureuse. Pour discuter des relations du Canada avec ses populations autochtones, racontant les pensionnats autochtones, le déplacement de familles inuites vers le cercle polaire et la mythique bataille de Batoche, Jacques Beauchamp reçoit Brian Gettler, professeur d’histoire à l’Université de Toronto,  Marquise Lepage, réalisatrice, productrice et scénariste, et Serge Bouchard, anthropologue, écrivain et animateur de radio. (...)  

Audiofil :
http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/29398/le-canada-et-les-autochtones-pensionnats-affaire-batoche-inuits-cercle-polaire-brian-gettler-marquise-lepage-serge-bouchard

Why some Indigenous people are calling out Canada 150 (Maclean’s CityNews)
https://www.youtube.com/watch?v=zadUB14UV3Q

CANADA, I can cite for you 150 ... (Onaman Collective)
Poem/Narration by Christi Belcourt, February 3 2017
https://www.youtube.com/watch?v=Y6U9JV5-bA8

M. Trudeau n’a pas donné aux nations autochtones de l’Ouest le cadeau le plus précieux qu’il aurait pu leur offrir : stopper le projet Trans Mountain de Kinder Morgan. Au contraire, il le soutient avec vigueur, parfois même avec véhémence quand on s’y oppose. Or ce faisant, il nuit au Canada tout entier car cela augmentera la production de sables bitumineux. Pourquoi le Canada a-t-il signé l’accord de Paris? Pour créer une image de «bonne volonté»? Ce n’était pas la peine.

Unsettling 150
June 29 2017

In honour of Art Manuel and the integrity with which he always began with the land and honoured the grassroots people, the #Unsettling150 crew are proud to launch this video filled with Art's words, read by his daughter Kanahus Manuel, to launch the final lead-up to the national day of action, education, and reflection.



Les combats pour la suprématie et la sécurisation des territoires conquis ont forgé l’histoire de la terre. Chaque nation attend patiemment son tour… Aujourd’hui, des méthodes un peu plus «raffinées» se sont ajoutées aux autres techniques d’invasion. Il suffit de provoquer un trouble quelconque d’ordre économique, écologique ou idéologique, ou encore d’introduire des drogues, des maladies, etc., et d’installer des bases militaires pour assurer une protection territoriale, non pas des populations locales mais des ressources qu’on vole. Ensuite, on envoie une armada de «colons»...

Notre vernis socioculturel ou religieux ainsi que notre arsenal de combat plus sophistiqué ne changent rien à la dynamique de la préséance. Toujours le même scénario d’une pièce de théâtre de mauvais goût qu’on joue depuis des éons.

Y a-t-il encore des gens assez naïfs pour croire aux négociations diplomatiques internationales, aux accords de libre-échange équitable, à la réduction de la production et de l’usage des énergies fossiles?

La course folle vers la poubelle – 2


En lisant des titres comme «100 000 civils pris au piège à Raqqa, en Syrie» on se dit : quelle civilisation de paranoïaques! La série Homeland a souvent été décrite comme un instrument de propagande anti-islamique. J’ai trouvé qu’elle était tout autant antiaméricaine, anti-israélienne, antirusse et anti-européenne. Les personnages sont antisociaux, pervers-narcissiques, paranoïaques et psychopathiques, ce sont des criminels notoires, des mercenaires, des agents-double, des traitres et des faux-jetons d'origines et d'allégeances diverses qui luttent pour le pouvoir et l’argent, même à l’intérieur de leurs propres organisations. Il appartient à chacun d'en juger. Il va sans dire que la démocratie prend une méchante claque quand au nom de la lutte antiterroriste, la bonne vieille raison d'État peut suspendre l'état de droit et autoriser l'exception.   

«Les hommes d’État inventeront des mensonges bon marché et blâmeront la nation assiégée; et chacun apaisera sa conscience avec ces faussetés, les étudiera diligemment et refusera d'examiner toute contestation. Ainsi l’on se convaincra bientôt que la guerre est justifiable, et l’on remerciera Dieu de pouvoir dormir en paix grâce à ce grotesque processus d’aveuglement.»
~ Mark Twain, Chronicle of Young Satan 

“We will force you to be free (The Trap). We live in a time of great uncertainty and confusion. Events keep happening that seem inexplicable and out of control. Donald Trump, Brexit, the War in Syria, the endless migrant crisis, random bomb attacks. And those who are supposed to be in power are paralysed – they have no idea what to do” (HyperNormalisation). ~ Adam Curtis, réalisateur britannique, BBC 

Les humains poursuivent donc leur course vers l’extinction – c’est à qui tuera le plus de monde le plus rapidement possible, non stop. Je reviens donc à cette brillante idée, soit rassembler tous ceux qui aiment dominer, voler, se battre, tuer, violer, torturer, museler, et j’en passe – oui, offrons-leur un immense champ de bataille isolé, dépourvu de toute vie humaine et animale, et laissons-les s’entretuer à mains nues, sans aucune armes. Le dernier survivant sera le grand vainqueur de la compétition. Pendant ce temps-là (ça risque d’être très long) nous pourrons vivre en paix et restaurer la terre.

En tout cas, si Dieu existe, il doit se mordre les doigts d’avoir confié l’évolution de la planète terre à des sous-traitants aussi abjects que les humains.

Clip «LIFE» de Bruno Bozzetto http://www.bozzetto.com/


«L’humanité a essayé plusieurs choses pour se sauver. Premièrement on a pensé que la religion nous sauverait. Ça n’a pas marché. Ensuite on est passé aux armements – le plus fort l’emporterait et sauverait l’humanité. Ensuite l’économie et la finance sont devenues la nouvelle religion. Mais je pense qu’en bout de ligne, c’est la collaboration, la coopération et la solidarité qui va nous sauver, et ça, il est temps qu’on le comprenne.» ~ Jean-Martin Aussant (La nature selon Boucar, ICI Radio-Canada Première, 24 juin 2017)

Bien sûr, cette course folle à l’extinction inclut la destruction de l’environnement.

Que d’inventions toxiques et mortelles et d’objets futiles ont vu le jour, plus encore depuis le début des Trente Glorieuses. Les centres de recyclage, les dépotoirs et les sites d’enfouissement ne suffisent plus.

Immersion de déchets en mer

Environnement Canada délivre des permis d'immersion en mer de déblais de terre, de déblais de dragage de voies navigables, de déchets de poisson, de navires désaffectés et de matières organiques. Chaque permis fait l'objet d'un examen technique et d'un avis public. On ne délivre pas de permis s'il existe une solution de rechange pratique à l'immersion en mer. 
   Entre avril 2000 et mars 2011, 1 026 permis d'immersion en mer ont été délivrés au Canada portant sur 43 380 716 tonnes de déchets. Environ 76 % de ces déchets étaient des débris dragués. Près des deux tiers des permis, selon le poids, ont été délivrés dans la région du Pacifique et du Yukon, permettant le déversement de 28 442 422 tonnes de déchets dans leurs eaux. La plupart des permis délivrés dans la région de l'Atlantique portaient sur des déchets de poisson.

[À mon avis, les six baleines noires trouvées mortes dans le fleuve Saint-Laurent nous envoient un message sans équivoque!] 

Importation et exportation de déchets dangereux

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE 1999) permet de mettre en place des règlements régissant les exportations et les importations de déchets dangereux, y compris les matières dangereuses recyclables. 
   En 2010, 358 236 tonnes de déchets dangereux ont été importés au Canada, la grande majorité en provenance des États-Unis. Les importations de déchets dangereux destinés à des opérations d'élimination comprenaient des déchets solides inutilisables pour la récupération des métaux, des résidus industriels et d'autres substances dangereuses pour l'environnement. Les matières recyclables représentaient 59 % des importations totales de déchets dangereux et comprenaient des piles, des déchets métallifères, des liqueurs employées dans les procédés métallurgiques, des huiles de graissage usées et des résidus de fabrication.

Déchets radioactifs

Des déchets radioactifs sont produits au Canada depuis les années 1930. Le radium a été la première matière radioactive traitée et a été utilisé comme agent de luminescence dans des applications de génie [mais pas géniales!]. Aujourd'hui, les déchets radioactifs au Canada proviennent principalement de l'extraction, de la concentration, du raffinage et de la conversion de l'uranium, de la fabrication de combustible nucléaire, de l'exploitation de réacteurs nucléaires, de la recherche dans le domaine nucléaire ainsi que de la fabrication et l'utilisation de radio-isotopes. 
   La plus grande partie du stock accumulé de déchets faiblement radioactifs au Canada a été produite il y a de nombreuses années par les activités d'extraction minière et de transformation. ... La plupart des déchets moyennement radioactifs sont produits par les activités de recherche et de développement nucléaires. En 2007, ces déchets s'accumulaient au taux annuel de 890 mètres cubes; il est prévu que ces stocks de déchets atteindront 79 000 mètres cubes d'ici 2050. On prévoit également une augmentation de plus du double de la quantité de déchets radioactifs à activité élevée provenant de la production d'énergie nucléaire au cours de cette période.

Le fumier de bétail

Le fumier de bétail contient des éléments comme l'azote et le phosphore, et est une source de matière organique qui peut contribuer à réduire l'érosion des sols et à accroître leur capacité de rétention d'eau. Toutefois, il peut être une source de pollution entraînant des conséquences pour l'environnement et la santé humaine. En 2006, le bétail canadien a produit plus de 180 millions de tonnes de fumier, ce qui représente une augmentation de 16 % depuis 1981.

Source : http://www.statcan.gc.ca/pub/16-201-x/2012000/part-partie3-fra.htm

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Deux exemples d’inventions stupides/futiles qui contribuent à la pollution sonore et environnementale.


Les rivières et les grands lacs du Québec subissent l’invasion des motomarines à chaque été. Un de mes amis a vendu sa propriété située près d’une rivière de plus en plus fréquentée par ces engins. Il ne pouvait plus supporter le bruit infernal et continuel.

Le scooter des mers

Les crevettes grises batifolaient dans l’eau bleue, les daurades faisaient la sieste, les méduses méditaient, les maquereaux scintillaient. C’était un beau jour de l’été, paisible, calme et tranquille. 
   Il est arrivé, il a tout gâché. 
   Un bruit énorme, de la fumée, une odeur de brûlé, des remous. Sur un scooter des mers, un crétin s’amuse à faire des ronds sur la mer. Il ne va nulle part, il fait seulement du bruit. Il n’a pas honte. Au contraire, il est fier. Fier d’avoir réveillé et terrorisé les poissons endormis et les vacanciers assoupis sur la plage. Des vacanciers venus au bord de la mer pour entendre le silence. Des vacanciers qui habitent au bord d’une route et qui, pour s’endormir, ne comptent pas les moutons mais les camions. 
   Le crétin s’en fout, il veut en foutre plein la vue, plein l’ouïe, montrer qu’il est riche et con à la fois. 
   J’en veux beaucoup à celui qui a inventé le scooter des mers, maudit engin qui vient troubler le silence de la nature et nous empêche d’entendre le bruit de la mer et le chant des sirènes. 
   C’est un malfaiteur de l’humanité.

Source : Ça m’agace! Jean-Louis Fournier Éditions Anne Carrière 2012; p. 47

Quant aux appareils de nettoyage à jet (karcher), c’est un honteux gaspillage d’eau. Une plaie de société, tout comme la tonte de la pelouse. 
   En passant, le couvre-sol comestible est une alternative pérenne à la pelouse qui en outre élimine les pissenlits. The American way of life, avec DDT et Roundup, est révolue. «Notre histoire d’amour contemporaine avec le gazon va quelque peu à l'encontre de bon nombre de nos efforts pour économiser l'eau et l'énergie dans nos jardins, ainsi que notre désir de cultiver plus de végétaux comestibles. En remplaçant une partie ou la totalité de la pelouse avec du couvre-sol comestible, dans les sentiers, autour des arbres et du potager, nous pouvons garder notre jardin vert et luxuriant sans avoir à constamment tondre.» ~ Derek Markham (Tree Hugger)

La joueuse de karcher

Avant, j’aimais beaucoup le dimanche. Surtout au printemps ou à la fin de l’été. Je m’installais dans mon petit jardin. Je regardais le ciel, j’écoutais les oiseaux chanter. Je rêvais au paradis. 
   J’écris «je rêvais». L’imparfait indique une action qui est passée. 
   Depuis, ma voisine s’est mise à karcher. Elle en joue tous les dimanches après-midi. Elle joue avec passion, avec frénésie, allegro vivace, pendant des heures. Elle nettoie au karcher sa terrasse de deux mètres cinquante, centimètre par centimètre. 
   C’est effrayant, une passion, ça vous dévore, on en perd la tête. 
   Je suis sûr que si elle ne travaillait pas pendant la semaine, elle passerait toute la rue au karcher, puis le boulevard, les grandes avenues, les Champs-Élysées, l’Arc de triomphe, tout Paris et la grande banlieue. Pourquoi ne ravalerait-elle pas la France qui a grise mine? 
   Quelquefois, j’ai envie de lui dire que j’en ai ras les oreilles de son karcher, qu’elle m’empêche d’écouter Schubert. Mais je me retiens, je croise son regard et je rentre bien vite chez moi. J’ai peur qu’elle me passe au karcher. 
   Pourquoi elle ne se met pas plutôt au piano? 
   Je suis prêt à tout, même à faire assassiner Beethoven.

Source : Ça m’agace! Jean-Louis Fournier Éditions Anne Carrière 2012; p. 99

24 juin 2017

Coopération et économie sociale à la rescousse!

«Que savons-nous faire d’autre qu’enlaidir ce monde?
Rien ne justifie tout le mal que nous faisons.»
(Peter Quinn, série Homeland)

Ah, ce bien-aimé Boucar – toujours dans le mille! Tandis que plusieurs s'affairent à enlaidir le monde, d'autres s'efforcent de l'embellir.

L'économie de partage... 

La nature selon Boucar
Émission du 24 juin 2017

Les lichens, les champignons et l’économie sociale

La coopération végétale : les mycorhizes constituent un réseau coopératif essentiel à la vie, selon le biologiste André Fortin. Grand spécialiste de la question, il a fondé l’Institut de recherche en biologie végétale (rattaché au Jardin botanique). Info et articles : http://www.cef-cfr.ca/index.php?n=Membres.Jandrefortin

Entrevue avec Jean-Martin Aussant

«Je pense qu'en bout de ligne, c'est la coopération, la collaboration et la solidarité qui va nous sauver et ça, il est temps qu'on le comprenne.» Ancien de la finance, le directeur du Chantier de l'économie sociale, Jean-Martin Aussant, vient nous prouver que les humains auraient avantage à fonctionner comme les plantes, les champignons et les animaux. On pourrait enfin obtenir un équilibre parfait de l'écosystème social. http://www.chantier.qc.ca/

Il n’y a pas que le gouvernement et le privé
«Je ne me définis pas comme un anticapitaliste, sauf que les abus du capitalisme sont intenables et inacceptables. Une société est basée sur trois piliers, on pense souvent au gouvernement et au privé et on arrête là.» Jean-Martin Aussant affirme qu’on oublie le pilier collectif, qui est aussi important.

L’importance du collectif dans l’économie
Le pilier collectif regroupe l’économie sociale, l’entrepreneuriat collectif et tout ce qui est collaboratif comme les OBNL, mutuelles, etc. «On le soupçonne peu, mais au Québec, c’est 40 milliards de dollars. Si on veut comparer avec des sujets plus connus, c’est l’équivalent des mines, de la construction et du secteur de l’aéronautique, mis ensemble.» Jean-Martin Aussant rappelle que cette économie représente 10% du PIB. «C’est assez rare qu’un pays ait autant de ressources provenant du collectif.»

André Fortin, Boucar Diouf et Jean-Martin Aussant à l'enregistrement de La nature selon Boucar. Photo : Radio-Canada/Lisa Marie Noël

«L’économie sociale permet de mieux répartir la richesse, parce que dans la structure de ces entreprises-là, quand des profits sont générés, ils doivent êtres réinvestis dans la collectivité, dans l’entreprise et les services, au lieu d’aller dans les poches des actionnaires.» ~ Jean-Martin Aussant 

De Uber au communautaire
«Au Québec, on a une loi sur l’économie sociale qui définit les entreprises collectives(coopératives, mutuelles, obnl) avec un volet marchand. Donc, les groupes communautaires qui ne vendent rien comme service ou bien, c’est du communautaire, mais ce n’est pas de l’économie sociale.»
   «Uber aurait pu être de l’économie sociale, si ça avait été fondé comme une coopérative, et la richesse aurait été mieux répartie entre les chauffeurs. Alors qu’en ce moment les propriétaires sont milliardaires et les chauffeurs sont à 5 ou 6 dollars de l’heure.»

L’avenir de la planète passe par la coopération
«L’humanité a essayé plusieurs choses. On pensait que ce serait la religion qui nous sauverait, ensuite c’est passé aux armements, et après c’est l’économie et la finance qui sont devenus la nouvelle religion.» Selon Jean-Martin Aussant, plus on continue de laisser aller les inégalités créées par le capitalisme moderne, plus notre société atteindra un point de non retour. On assistera peut-être à une révolte.

Audiofil de l’émission :
http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/la-nature-selon-boucar

23 juin 2017

À propos des Français du Canada (Stefan Zweig)

Après avoir publié les récents messages sur les Autochtones, je me disais que nous étions en train de vivre la même chose qu’eux, puisque le Canada, d’un océan à l’autre, est vendu à l’enchère à de grandes corporations étrangères, déjà maîtres chez nous. 
     Bizarrement, en cherchant des notes biographiques, je suis tombée par hasard sur un article de Stefan Zweig, paru dans le Frankfurter Zeitung le 25 mars 1911, où il écrivait ‘À propos des Français du Canada’ (Bei den Franzosen in Canada) : «Ils partagent aujourd'hui, cent cinquante ans plus tard, le sort des Indiens qu'ils furent les premiers à expulser de leurs foyers, les chassant des forêts sacrées pour les refouler dans les steppes jusqu'à ce qu'ils fussent broyés, dissous dans des nations étrangères, dispersés, brisés. Maintenant, c'est à leur tour de devoir, poussés par les occupants du pays, abandonner une culture (sans aucun doute supérieure), celle de la France, pour entrer dans la sphère américaine.»

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«La ‘Belle Province’ n'est pas seulement une région d'avenir, c'est aussi et surtout une exception culturelle : l'écrivain autrichien Stefan Zweig, qui durant un voyage en Amérique du Nord en 1910 se passionna pour la culture francophone, trouva que le Québec se distinguait du reste du continent nord-américain. Il admira la ténacité des Francophones qui contrairement aux Germanophones qui ont perdu leur identité en se noyant dans la masse ont pu préserver leurs particularités culturelles.
~ Christoph Immanuel Barmeyer (Encyclopédie de l’Agora, avril 2012)

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Zweig n’a omis aucune des principales caractéristiques de la population canadienne française – la convivialité, l’omniprésence du clergé, les familles nombreuses, etc.

Photo :  Château Frontenac. «J’aime l’histoire» / Le Québec en cartes postales 1902-1950

Enfin Québec, l'ancienne capitale de la Nouvelle-France. Pour l'atteindre il faut traverser le Saint-Laurent à Lévis. Et quel spectacle grandiose que cet immense fleuve gelé devenu, d'une rive à l'autre, un gigantesque bloc de glace! De grands vapeurs sont emprisonnés dans cette couverture verte, des voiliers plus petits sont recouverts d'une couche de glace jusqu'en haut du mât, enveloppés, dirait-on, d'une housse de verre. Le bac, avec son propre brise-glace, se fraie une voie, il assure inlassablement la navette. Mais au bout d'une demi-heure une croûte s'est de nouveau formée sur l'eau : de la quille montent de légers craquements, comme si on cassait en deux du verre filé.

De l'autre côté, Québec attend. Je ne sais rien de plus émouvant dans notre vision du monde actuel que ces îlots linguistiques isolés qui, après avoir subsisté pendant des siècles, s'effritent petit à petit et vont au devant de leur perte, contre laquelle ils se rebellent, mais sans espoir. La culture allemande tout entière en Amérique est un de ces îlots en déliquescence, néanmoins ce déclin n'est pas aussi tragique à voir, aussi évident que dans les possessions françaises. De l'Inde, conquise jadis pour eux par Dupleix, les Français n'ont conservé que Pondichéry encore une de ces petites villes touchantes respectueuses de la tradition , du Canada, qui leur appartient en propre sous trois rois, leur sont restées simplement ces quelques cités qui continuent à se défendre avec bravoure contre le raz de marée anglais. Deux cents, trois cents soldats, envoyés alors à temps par la France, auraient pu sauver l'Inde ou le Canada des Anglais : c'est ce que répètent avec tristesse çà et là ces derniers Français, les descendants des grands hommes célébrés par Cooper, Thackeray dans leurs romans. Champlain et Dupleix, ces deux figures historiques françaises auxquelles manqua uniquement un succès durable qui aurait porté sur ses ailes leurs hauts faits , sont les véritables ancêtres spirituels de Napoléon. On ne saurait le comprendre sans ces hardis aventuriers (pas plus qu'il n'est possible d'expliquer Shakespeare sans les dramaturges pré-élisabéthains). Leurs tombes à l'un et à l'autre sont oubliées de tous et il faut dénicher des livres rares ou se rendre dans des pays lointains pour connaître l'étendue de leur action.


Cette ville de Québec, autrefois la plus importante de l'Amérique, le point à partir duquel la France dominait les États jusqu'aux Grands Lacs du Nord elle qui jadis baignait dans un romantisme sauvage inspiré par les Indiens , fait l'effet à présent d'une aimable sous-préfecture française. D'un seul coup, on oublie qu'on est en Amérique. Les gens ici ne sont pas en proie à la même précipitation agaçante, ils sont polis et comme ravis lorsqu'un étranger leur adresse la parole en français. Pour la première fois depuis des semaines, j'ai de nouveau entendu ici de vrais rires, francs et naturels; pour la première fois j'ai ressenti à nouveau dans les ruelles étroites quelque chose qui s'apparentait au bien-être. En bas, le port a beau avoir déjà été envahi par les tapageuses affiches anglaises, les constructions en brique américaines bon marché peuvent se mettre en avant (sans sacrifier un cent à la beauté) les gens les ignorent. On entend parler exclusivement français dans les rues, et aussi en rase campagne jusque loin vers l'est.

Comment ne pas éprouver de l'estime devant cette admirable ténacité avec laquelle quelques milliers de Français défendent leur langue depuis maintenant environ cent cinquante ans? Sans aucun doute, six millions d'Allemands, si ce n'est plus, ont été aspirés par l'Amérique et n'ont laissé pratiquement aucune trace; il n'est pas une seule ville, une seule province où ils aient su sauver leur langue. Et là, ces quelques milliers de Français, sans renfort venu de leur pays d'origine, sans le soutien de quiconque, ont préservé leur idiome et leurs coutumes. Voilà bien un des plus curieux tours de force de cette race prétendument si décadente, exemple presque unique dans l'Histoire moderne.

Une promenade à travers la ville livre quelques explications. De droite et de gauche, on rencontre des religieuses et des prêtres. Ce sont eux qui ont, au fond, maintenu la résistance. Rien n'a autant protégé les races latines les Français au Canada, les États espagnols d'Amérique centrale faibles et délabrés d'un amalgame avec le caractère anglais que l'attitude de refus sèche adoptée par le catholicisme, uni a toujours vu dans les Anglais des hérétiques et des ennemis héréditaires. Si le protestantisme allemand se fondit rapidement dans l'Église libre américaine et si la plupart des pasteurs très vite abandonnèrent dans leurs prêches l'allemand au profit de l'anglais, les prêtres, eux, ont dans leurs écoles donné aux enfants une éducation française et catholique. Omnia instaurare in Christo*, telle est la devise des journaux français ici (ils ont d'ailleurs gardé également leur particularité nationale, alors que la presse allemande singe avec le plus grand empressement les méthodes des reporters américains). L'intransigeance du catholicisme mais aussi le nombre élevé d'enfants chez les Français du Canada phénomène bien connu et sans cesse cité en exemple en France, sans pour autant être imité ont édifié dans ce pays un rempart qui est un véritable monument à la gloire d'une énergie nationale comme il n'en existe de nos jours aucun autre.

À vrai dire, ce combat héroïque contre une suprématie illimitée semble désormais toucher à sa fin. Montréal est déjà perdu pour les Français en raison de la rapidité avec laquelle afflue une population étrangère. Cette ville, dont le développement a été gigantesque au cours des dernières décennies, est au centre d'une invasion européenne croissante d'année en année. Et c'est précisément le côté cosmopolite de ces masses qui impose l'utilisation d'une langue commune l'anglais bien sûr. Toute personne raisonnable devrait conseiller à ces Français de mettre un terme à leur résistance (rendue d'autant plus obstinée par le danger actuel), mais la déraison est ici si merveilleusement héroïque que l'on a une seule envie : encourager ces descendants des hardis aventuriers. Ils partagent aujourd'hui, cent cinquante ans plus tard, le sort des Indiens qu'ils furent les premiers à expulser de leurs foyers, les chassant des forêts sacrées pour les refouler dans les steppes jusqu'à ce qu'ils fussent broyés, dissous dans des nations étrangères, dispersés, brisés. Maintenant, c'est à leur tour de devoir, poussés par les occupants du pays, abandonner une culture (sans aucun doute supérieure), celle de la France, pour entrer dans la sphère américaine. Il faudrait, si l'on voulait les sauver de l'oubli, la venue d'un poète qui, à la manière de Cooper, décrivant la fin des Mohicans, ferait connaître aux générations futures ce douloureux changement, l'héroïsme secret de cet ultime repli. Leur destin fut de n’être qu'un épisode. Avec eux se ferme un volume de l'Histoire et un autre s'ouvre, consacré à la puissance de ce gigantesque État canadien, dont peut-être les prochaines décennies rempliront déjà une page.»

Première source : Luc Bureau,  Mots d'ailleurs, le Québec sous la plume d'écrivains étrangers, Boréal, Montréal 2004, p.19-22.

Voyages, Paris, Belfond, 2000, 155 p. (p. 119-125) Traduit de l'allemand par Hélène Denis-Jeannoy. © Belfond 2000 pour la traduction française. Article publié initialement en langue allemande dans le Frankfurter Zeitung, le 25 mars 1911, sous le titre «Bei den Franzosen in Canada».

http://agora.qc.ca/Dossiers/quebec_ville

* Instaurare omnia in Christo est «la devise que saint Paul donne aux chrétiens d'Éphèse; ordonner toutes choses selon l'esprit de Jésus, placer le Christ au sein même de toutes choses». (Définition de l’Opus Dei, un organisme de propagation des valeurs catholiques créé en 1928)

Citation du jour

«L'histoire ne tolère aucun intrus, elle choisit elle-même ses héros et rejette sans pitié les êtres qu'elle n'a pas élus, si grande soit la peine qu'ils se sont donnée.»
~ Stefan Zweig; 1881-1942 (Histoire d'une déchéance

En complément

La guerre des couleurs à Québec
Michel Lessard

Au Québec et dans la Cité de Champlain, notre capitale nationale, chef-lieu des francophones d’Amérique, la question des drapeaux reste toujours délicate. On vient de le constater encore une fois avec la décision de l’administration du Musée national des beaux-arts du Québec de retirer le mât du fleurdelisé qui triomphait au sommet de l’édifice. Le gouvernement refuse la décision du musée. Il ne faut pas se fermer les yeux, à Québec la guerre des couleurs entre le bleu et le rouge pour affirmer possession, pouvoir et autorité demeure omniprésente surtout depuis le référendum de 1995.


Québec demeure une ville phare au Canada, une cité touristique iconique mondialement reconnue. Les Québécois forment une société distincte, française, dont les aspirations ne sont souvent pas celles du Canada...  Et, en règle générale, tous nos gouvernements ont défendu becs et ongle, même symboliquement, cette originalité. Des millions de visiteurs s’arrêtent chaque année dans nos murs. Québec est bâtie pour être regardée à partir du fleuve et être marchée sur ses littoraux et dans ses murs.

Article intégral : http://agora.qc.ca/documents/la_guerre_des_couleurs_a_quebec

En conclusion, l’on pourrait donc souhaiter un pays et des provinces... libres!

Mais il faudrait que le gouvernement fédéral consente à réviser le dossier de la Constitution :

Après 1982, deux tentatives majeures de modifier la Constitution ont échoué : l'accord du lac Meech et l'Accord de Charlottetown. 
   Le Québec n'ayant pas signé la Loi constitutionnelle de 1982, l'accord du lac Meech visait à apporter des modifications à la Constitution afin d'obtenir l'accord du Québec. Élaboré en 1987, l'accord prévoyait cinq modifications : la reconnaissance du Québec comme une société distincte, de plus grands pouvoirs au Québec sur l'immigration, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser, l'octroi d'un droit de veto au Québec pour les modifications constitutionnelles et une participation à la nomination des juges québécois à la Cour suprême. Plusieurs de ces modifications nécessitaient l'accord unanime des provinces et du gouvernement fédéral. Le Manitoba et Terre-Neuve n'ayant pas adopté l'accord à l'intérieur du délai de 3 ans prévu à la formule de modification, l'accord du lac Meech n'est jamais entré en vigueur. 
   Il en a été de même pour l'accord de Charlottetown. Cet accord, conclu en 1992 à la suite d'intenses négociations constitutionnelles, comprenait une révision majeure de la Constitution canadienne. On y trouvait notamment une plus grande autonomie pour les peuples autochtones, quelques mesures de décentralisation de la fédération, une réforme du Sénat et du processus de nomination des juges à la Cour suprême, etc. Cet accord a été rejeté par référendum par 54 % de la population.
   Finalement, quelques autres modifications constitutionnelles ont été tentées sans succès par des députés ou des gouvernements. Elles visaient à ajouter un droit à la propriété dans la Constitution, reformer le Sénat, reconnaître des droits au fœtus ou retirer la référence à Dieu dans la Loi constitutionnelle de 1982. Aucune d'entre elles n'a abouti. (Source : Wikipédia)

Caricature : Serge Chapleau, La Presse, 4 juin 2017

21 juin 2017

Des cadeaux aux Premières Nations

Journée nationale des Autochtones

Le 21 juin marque la Journée nationale des Autochtones. C’est le jour choisi pour rendre hommage aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis du Canada, et pour souligner leur importante contribution à l’essor du pays.

Monsieur Trudeau a offert trois cadeaux aux Premières Nations

Le premier ministre Justin Trudeau et le chef national de l'Assemblée des Premières Nations Perry Bellegarde. Photo Chris Wattie, archives Reuters

1. Le bureau de Justin Trudeau est situé dans l’édifice Langevin, ainsi baptisé en l'honneur d'Hector-Louis Langevin, surintendant des Affaires indiennes dans le cabinet du premier ministre John A. Macdonald et considéré comme l'un des architectes de l’horrible système de pensionnats autochtones. Dorénavant, l'édifice sera tout simplement connu sous le nom de «bureau du premier ministre et du conseil privé».

2. Le premier ministre a également confirmé que le 100, rue Wellington, l'ancien siège de l'ambassade américaine à Ottawa, face au parlement, deviendra un édifice emblématique des peuples autochtones. «Cet espace (...) sera converti en un espace pour les Autochtones. Un espace que les Premières Nations, les Inuits et la nation métisse seront appelés à imaginer, à planifier, à construire.» (1)

3. Enfin, le premier ministre a également annoncé que son gouvernement rebaptise la Journée nationale des Autochtones pour en faire la Journée nationale des peuples autochtones.

(Presse canadienne)

Malheureusement, Justin Trudeau ne leur a pas offert l’unique cadeau qui importe.
À Ottawa on concède les territoires aux riches investisseurs étrangers.

Kinder Morgan répond à la question climatique que Trudeau refuse de clarifier
Keith Stewart, le 14 juin 2017 


Le ministre des Ressources naturelles, Jim Carr est de retour de Chine, où il a poussé sur les exportations de pétrole canadien, et la ministre de l'environnement Catherine McKenna est revenue de la rencontre sur l'environnement du G7 en Italie.
     Comme le Canada continue de claironner son leadership et son engagement en matière d’environnement sur la scène internationale, il est intéressant de revoir comment une société pétrolière basée au Texas répond à la question que le gouvernement Trudeau refuse de clarifier : comment peut-il agressivement poursuivre ses exportations de combustibles fossiles par le biais de nouveaux pipelines et respecter son engagement à l'accord de Paris? 
     En campagne électorale, Justin Trudeau avait dit à Dogwood Initiative's Kai Nagata que le processus d'approbation pour le projet Trans Mountain Pipeline de Kinder Morgan «devait être révisé». Cependant, une fois au pouvoir, il a simplement désigné un groupe pour mener des consultations publiques supplémentaires.
     Le projet controversé de Trans Mountain vise l’installation d’un nouveau pipeline de 987 kilomètres connecté à un système existant qui relie les sables bitumineux de l'Alberta à la côte de la Colombie-Britannique. Sa construction triplerait la capacité du système qui pourrait ainsi expédier quotidiennement 890 000 barils de pétrole directement vers les tankers locaux dans les eaux longeant la ville de Vancouver.

Kinder Morgan reconnaît le challenge de Greenpeace

La société a révisé son prospectus et reconnu le challenge de Greenpeace, en disant que les efforts combinés du gouvernement et des entreprises visant à réduire le réchauffement climatique et les émissions de carbone, «incluant, par exemple, les objectifs de décarbonisation énoncés dans l'accord de Paris et l'émergence de la technologie et de l'opinion publique, contribuent à une plus grande demande pour les énergies renouvelables... Cela pourrait non seulement entraîner une augmentation des coûts pour les producteurs d'hydrocarbures, mais aussi à une diminution globale de la demande mondiale en hydrocarbures». [...] Les nouveaux projets de sables bitumineux ne seraient pas rentables, reconnaît l’entreprise, et il est possible que dans le futur il n’y ait pas «de nouveaux pipelines construits dans la région des sables bitumineux de l'Athabasca».  
     [Catherine] McKenna devraient réfléchir à ses rencontres avec ses homologues du G7 qui ont renouvelé leur appui à l'accord de Paris après que le président américain Donald Trump se soit retiré. Ce serait une honte de ridiculiser cette coopération en continuant de soutenir un pipeline qui serait viable uniquement si l’accord de Paris échouait.

Article intégral (en anglais) :
http://www.nationalobserver.com/2017/06/14/opinion/kinder-morgan-answers-climate-question-trudeau-wont

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(1) Anna Maria Tremonti recevait à son émission The Current sur CBC l’artiste autochtone réputé Roy Henry Vickers en septembre 2016. Il parlait de ses origines et de son parcours. Vous pouvez lire la transcription de cette très touchante interview (ou mieux l’écouter) à cette adresse :
http://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-september-2-2016-1.3745677/encore-artist-roy-henry-vickers-on-making-art-beating-addiction-and-turning-70-1.3745685

Roy (left) and his great-grandfather Amos Collinson from the Haida

ROY HENRY VICKERS: Life was just about horses in the north country and fishing out on the ocean with my Grampa. And when I got to Victoria I came across discrimination for the first time in my life and I didn't know what it was. And when I discovered that it was people in the city who didn't know First Nations Peoples, I started to look at myself differently and realize, well, I guess I am a First Nations person and what is that? So my life became a journey of discovery of the Tsimshian and the Haida and the Kwagiulth, all of who are part of my ancestry. And so that led me on a journey to be an artist to teach people the culture and the art of the Northwest coast and here I am still doing it today.

AMT: You were the only First Nation kidding around at some point. You didn't feel different until they made you feel different?

ROY HENRY VICKERS: That's right, yeah.

AMT: How old were you?

ROY HENRY VICKERS: I was 17 years old. I was an Oak Bay High School in Victoria and when I looked at my class picture there are all these white faces and this one little brown face and that was me.

AMT: What would they say to you? How would they discriminate?

ROY HENRY VICKERS: It wasn't any spoken word. I was just excluded, instead of included. And I guess it was part of the generational abuse left over from residential schools. And I refused to give in to it and it actually got me to study the culture and become an educator.

(...) And I became an artist, colour blind and all.

AMT: You were a firefighter at one point too, though, weren’t you?

ROY HENRY VICKERS: I was. I was. My art teacher William West at the time said, Roy, what do you plan to do now? And I said, well, I'm going to make my living as an artist, I guess. I'll go to university and study fine art. And he said, well, do an old man a favour and don't study fine art. If you have to go to university, study anything but fine art. And I asked him why he would say that, because he was an art teacher. And he said, that's exactly my point. I wanted to be an artist. I went through the whole program and I got my Master's in art and by then I was married with children and had to get a job and I became a teacher. So, if you want to study art, you study what you want to study, not what the academy tells you should study to get a degree. And if you have the fortune to find out who you are and create images from that special place, because every human being is special, then you may be creating something that only you can create. And you will know when that happens because people will come up to you and say, I was out fishing the other day and looking at the water and I saw your water, or I was looking at the sun going down and I saw one of your sunsets. And when you hear that you will know that you are creating impressions on people and helping them to see the world the way you see it. And I've heard that thousands of times in 42 years as an artist.

(...) And those images look traditional, but the subject matter was not First Nations. And so I gradually broke down the barriers of my isolation, so to speak, and began being a bridge between cultures and that desire to express myself eventually led me to work with something fearful, and that was colour and sunsets and blue skies and green. And how am I going to do that if I'm partially colour blind?

AMT: I was just going to ask you - how do you do that if you’re partially colour blind?

ROY HENRY VICKERS: Well, I just paint what I see and apparently people like it.

Salute to a whale, Roy Henry Vickers

AMT: When did your career really take off?

ROY HENRY VICKERS: As soon as I left Ksan in 1974 the very first pieces that I did sold out. And so in two weeks I made more money than I was making in the fire department in a year. And so that kind of gave me the courage or the knowledge that I was going to be able to do this. But in 1987, an original painting called A Meeting of Chiefs was given to Queen Elizabeth here in Vancouver and that put me in a place that very few artists in the Commonwealth get to be and that's when everything changed.

AMT: And stories and storytelling and creating art keep you in the place you need to be, so that the addiction can be kept away?

ROY HENRY VICKERS: Well, addiction is what people turn to when they are not comfortable with their emotions. And so the addict is someone who is trying to get away from their emotions. I don't want to be away from my emotions. Fear teaches me that something, there is some danger present, and when I process the fear I'm given wisdom. Pain helps me realize that there's a pain that everyone carries and the more that I work at knowing where the pain comes from the more healing comes to me. And the more healing that comes to me the more healing I have to give to others. And that's what life is about: giving love and respect to the world around us.

***
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20 juin 2017

Tout comme les policiers...

Les espions ont de l’avenir

Si vous êtes doué, c’est le temps de postuler, je suppose qu’on recrute... Pourtant les assurances tous risques en matière de sécurité n’existent pas. La confusion règne partout, et bien malin celui qui réussira à se protéger contre tout dommage collatéral. Quand on allait entendre Jacques Brel ou Barbara ou Leonard Cohen en spectacle, on ne craignait pas qu’une bombe explose. Quand on allait à la gare ou à l’aéroport non plus. Les temps ont changé. Les jeunes rient des vieux qui disent «c’était mieux dans notre temps»; à certains égards, les vieux ont raison.


De plus en plus de citoyens bâillonnés dans le monde

Le cas du blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné depuis cinq ans pour avoir insulté l'islam, est loin d'être unique. Les détentions arbitraires et autres dérives contre la liberté d'expression sont monnaie courante dans le monde, souvent au nom de la sécurité nationale. 
   État des lieux. 
   Des milliers de citoyens dans le monde entier, voire des centaines de milliers, sont emprisonnés ou assignés à résidence du fait de leurs convictions politiques ou religieuses, de leur origine ethnique, de leur sexe ou encore de leur orientation sexuelle. [...] Au nom du terrorisme et de la sécurité nationale, il y a de plus en plus d’atteintes à la liberté d’expression, constate Amnistie internationale, et pas seulement dans les régimes totalitaires. 
    Même son de cloche du côté du Rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression et d’opinion, David Kaye. Dans son plus récent rapport annuel, David Kaye conclut que la liberté d’expression est gravement menacée dans le monde et qu’il n’y a pas lieu d’être optimiste.
    Risquer sa vie pour défendre les droits de la personne
    Les défenseurs des droits de la personne sont de plue en plus persécutés, qu'ils soient avocats, journalistes, syndicalistes, lanceurs d'alerte ou encore paysans. En 2016, 281 militants ont été tués pour avoir défendu pacifiquement les droits de la personne, comparativement à 156 en 2015, selon les données de l'ONG Front Line Defenders.   

Un texte de Danielle Beaudoin; publié le vendredi 16 juin 2017
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1039953/citoyens-baillonnes-etat-des-lieux-liberte-expression

Google, Not GCHQ, is the truly chilling spy network  
Daily surveillance of the general public conducted by search engine, along with Facebook, is far more insidious than anything our spooks get up to  

By John Naughton
https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/jun/18/google-not-gchq--truly-chilling-spy-network?CMP=twt_gu

Image : Désert FB. Pawel Kuczynski
http://www.pictorem.com/collectioncat.html?author=Pawel+Kuczynski

Je lis la traduction du roman Little America de Henry Bromell (Éditions Gallmeister  2017). Un roman doublement fascinant compte tenu de ce qui se passe dans le Golfe Persique.
     La presqu’île du Qatar est une excroissance sur le nez de l’Arabie saoudite qui d’ailleurs s’en irrite. Étrange que ce petit royaume pétrolier entouré de grands prédateurs, n’ait pas encore été avalé. Les liens diplomatiques entre le Qatar et l’Iran seraient à l’origine de la crise et du blocus terrestre, aérien et maritime. De ce fait, à la demande de Doha, c’est le FBI, semble-t-il, qui mène l’enquête et tente de dissiper les soupçons.

Une des principales préoccupations du leadership qatari après 1995 fut la poursuite de politiques régionales autonomes conçues pour sortir le pays de l'ombre de l'Arabie saoudite.
     Bien que les mesures prises jusqu'à présent ne soient pas des actes de guerre purs et simples, à la fois le Qatar et ses accusateurs sont coincés, et peut-être pas disposés à renoncer à ce jeu de poker politique de haut calibre. Et pourtant, tous les espoirs que l'Arabie et les Émirats pourraient avoir d'obliger l'administration Trump à prendre parti seront compliqués vu les nombreux intérêts américains en matière de défense, de sécurité et de ressources pétrolières au Qatar qui ne peuvent pas être facilement dénoués ou transférés ailleurs. Cela étant, la soudaine montée de tension dans la région ajoute un problème de taille qui défie toute résolution, facile et jette un froid sur l’enthousiasme du président Donald Trump qui avait apprécié sa visite dans le Golfe, il y a deux semaines. 

Article intégral (en anglais) – historique de la situation :
https://www.theatlantic.com/international/archive/2017/06/qatar-gcc-saudi-arabia-yemen-bahrain/529227/

Donald Trump a signé un contrat de vente d’armes avec l’Arabie saoudite lors de sa visite. Après le blocus, dans un tweet, il aurait proposé des armes au Qatar (fausse nouvelle?, sais pas). De toute façon, en géopolitique, il est courant d’armer des clans opposés sans prendre parti – c’est bien plus payant! Les scrupules moraux n’existent pas en espionnage et en diplomatie.

Revenons à Little America : les similitudes entre les ingérences géopolitiques d’hier et d’aujourd’hui sont criantes.


Extrait de la présentation de Philippe Beyvin, directeur de la collection Americana :

Publié six mois avant les attentats du 11 septembre 2001, Little America est pourtant un roman troublant de prescience dans les thèmes qu’il aborde : l’arrogance de la diplomatie américaine au Moyen-Orient, obsédée avant tout par la menace du bloc soviétique; le patriotisme; le prix du conflit entre morale personnelle et loyauté aux institutions. Mais dans ce roman, Henry Bromell revient aussi sur son histoire personnelle : son père était agent de la CIA, recruté au début des années 1950 alors qu’il dépérissait à Wall Street. Pendant son enfance, Bromell l’a accompagné au gré de ses affectations, enfermé dans ce «petites Amériques» du roman : Athènes, Bagdad (où il a assisté à la révolution et au coup d’État de 1958), Amman, le Koweït, Le Caire et enfin Téhéran. [...] 
     À la question de savoir si espionner son père avait fait de lui un écrivain en lui apprenant à observer, Bromell apportait cette réponse : «Oui, c’est ça. Parce que j’avais le sentiment, lorsque j’étais enfant, qu’il y avait chez mon père quelque chose de différent de tous les autres pères. Parfois, le téléphone sonnait au milieu de la nuit et il disparaissait pendant deux semaines... J’ai donc commencé à fouiller son bureau, trouvant parfois une arme ou un émetteur radio haute fréquence, ce genre de choses. J’imagine que la curiosité faisait partie de ma nature, mais en grandissant, chaque enfant traverse cela, apprend à regarder autour de lui, cherche à comprendre ce qui se passe et qui est caché aux yeux de tous.» 
     [...] Dans ce roman, Henry Bromell déroule une enquête sur un territoire qu’il connaît – le Moyen-Orient des années 1950 –, sur ses propres obsessions – l’enfance perdue, les difficiles relations père-fils – et sur un monde méconnu, celui des Américains expatriés et la communauté du renseignement à une époque où le monde des espions, qui sera l’une des raisons de sa contribution à Homeland, est sans nul doute celui qu’il avait toujours voulu écrire, le livre de sa propre enfance et de ce père dont le métier était le secret, car, comme il le dit dans Little America, «nous avons besoin de connaître l’histoire, nous avons besoin d’une fin, nous en inventons même une si nécessaire, c’est ainsi que l’histoire devient mythe». 
     Le dernier projet télévisuel sur lequel il travaillera, avant de disparaître d’une crise cardiaque en 2013, est la série Homeland dont il fut scénariste et producteur ...

(Espionner le père, p. 12-13)

Notes de lecture

Le Korach est un état fictif, bien sûr.

Le Korach était un petit pays coincé entre la frontière est de la Jordanie, l’extrémité de la Syrie et la pointe sud-ouest de l’Irak. Il n’existe plus. 
     Ce que dit l’histoire, à tort, est ceci : en décembre 1958, au Korach, le jeune roi, qui n’avait à l’époque que vingt-trois ans, fut tué alors qu’il fumait une cigarette derrière le palais d’Hamzah. Son règne, qui n’avait duré que cinq ans, prit fin dans l’obscurité du jardin, son corps étendu face contre terre sur le gravier, une ombre s’écoulant de lui-même, l’essence de lui-même, celle du roi déchu. Le sang de ses blessures se répandit, l’ombre bientôt l’enveloppa, le dissimula, cette nuit du 31 décembre 1958. Trois heures et demie du matin. Un mardi, Il mourut sur le coup. 
     Son royaume s’effondra. La branche de la famille Hachémite à laquelle il appartenait s’embrasa et se consuma. 
     Son petit pays, le Korach, disparut, avalé, comme un amuse-gueule, par l’Irak et la Syrie, en 1965. [...] Quand je dis que le Korach a disparu, je dis bien disparu, volatilisé, évaporé. Sur toutes les cartes du Moyen-Orient publiées après 1965, là où se trouvait autrefois un triangle de terre bien net du nom de Korach, là où les frontières de la Syrie, de la Jordanie et de l’Irak s’arrêtaient et devaient contourner ce beau royaume anachronique, elles se rejoignaient désormais sans entrave, nettement côte à côte. [...] 
     Mon père était le chef de la station de la CIA à Hamra à l’époque de l’assassinat. (p. 18-19) 
     ... Les États-Unis, que la grosse Chevrolet rouge qui accueillit mon père à sa descente d’avion symbolise le mieux, s’étaient embusqués pour mener la guerre froide et la gagner. La guerre froide n’était pas seulement une extension géopolitique de l’orgueil national, même si cet orgueil menait vraiment la danse. Les épiscopaliens chassieux et les presbytériens insensibles de Yale et de Wall Street avaient de l’influence et projetaient sur le monde leur propre vision des vertus de l’Église contre les hordes de populace impie. Ce n’était pas exactement de l’impérialisme, même si les hommes d’affaires américains réclamaient à cor et à cri davantage de marchés et avaient le sentiment que c’était leur droit et leur devoir de s’en emparer où et quand ils le pouvaient. Après tout, nous venions juste d’envoyer des Marines débarquer au Liban pour protéger Les Choses comme elles sont. ... À l’autre bout du monde, loin de leurs allées de Chevy Chase et de leurs maisons alignées de Georgetown, le roi du Korach maintenait une domination fragile sur un pays sommairement et arbitrairement découpé dans le désert. [...] (p. 37) 
     Nasser, le socialiste, voulait que le roi [du Korach], un monarchiste, parte. Ses services secrets, aidés par le KGB, travaillaient déjà dur à divers plans pour l’assassiner. Les Israéliens ne faisaient pas confiance au nouveau roi parce qu’il était jeune, inexpérimenté, et que c’était un Hachémite. D’un autre côté, ils avaient à tel point infiltré les services secrets et l’armée korachites qu’ils se sentaient en sécurité. Les Russes avaient décidé que le roi novice était une cible à laquelle ils ne pouvaient résister, une opportunité pour eux de saper un gouvernement réactionnaire et de refermer leurs serres sur Israël. (p. 39) 
     C’est au Korach que j’ai décidé que mon père n’était pas normal. [...] Le téléphone sonnait souvent au milieu de la nuit. Mon père répondait, marmonnait quelques mots laconiques, puis s’habillait et disparaissait dans l’obscurité au-dehors. Parfois, il partait pendant des jours. Une fois, il ne revint pas pendant trois semaines. Il y avait une grande radio compliquée dans son bureau dont j’avais décidé pour je ne sais quelle raison qu’elle était un indice, la preuve de communications clandestines. (p. 51) Je ne pouvais dire à personne ce que faisait mon père. Je protégeais un mystère. (p. 52) 
     Mon père fut envoyé à Abou Dhabi, puis au Koweït, où il se distingua en devenant très proche de la famille régnante. [...] Quand plusieurs tribus de l’intérieur des terres menacèrent de couper les pipelines jusqu’à ce qu’on leur permette d’avoir leur part de profits de la soudaine manne noire, c’est mon père qui persuada le gouvernement koweïtien d’accéder à leur demande. Quand, à l’intérieur de Koweït City, un petit parti communiste, aidé de façon inepte par Moscou, essaya de syndiquer les travailleurs palestiniens, c’est mon père qui alerta les autorités. (p. 53) 
     Rose du Désert était le nom que le KGB avait donné à une opération clandestine, destinée à aider les services secrets égyptiens qui désiraient écarter le roi et mettre à sa place quelqu’un de plus favorable à la croisade panarabe, antiaméricaine, de Nasser. Les Russes cherchaient à nouer de meilleures relations avec Nasser, des relations qu’ils pourraient manipuler à leur avantage – un objectif qu’ils finirent par atteindre, neuf ans plus tard, à la suite de la guerre des Six Jours. À l’époque, au Korach, en 1958, la CIA n’avait qu’un nom, Rose du Désert, et pas la moindre idée de ce qu’il signifiait. (p. 76) 
     Milton Gourlie, le chef de station d’Hamra, reçut de Washington le câble suivant :
Il est maintenant clair, sur la base de toutes les données disponibles, qu’un complot en vue d’assassiner le roi est en cours, mis en place par les services secrets égyptiens, soutenus, à bonne distance, par le KGB. Nasser ne peut tolérer des monarchies indépendantes au milieu de son fantasme panarabe. Ce qui n’est pas clair, cependant, est : (a) la nature du complot pour l’assassiner, c.-à-d., comment et quand et (b) si des Korachites sont ou non impliqués, et, si oui, qui ils pourraient être. Freeman. (p. 77) 
     «Nous devons découvrir si un de ces enfoirés prévoit de tuer le roi.» Milton tendit un morceau de papier à mon père. Celui-ci y jeta un œil. Milton avait listé diverses organisations – le parti communiste, les Frères musulmans, le parti Baas – qui pouvaient être considérées comme des menaces pour le roi, des organisations déclarées illégales, mais toujours vivantes et actives dans l’opposition, des organisations ignorées benoîtement par le roi. (...) 
     La nuit, l’obscurité glacée qui écrasait le théâtre en ruine racontait à mon père des souvenirs violents, des actes froids et durs, ou d’une absurdité absolue, qui l’accablaient de désespoir : cette petite osais, ce havre d’ombre, conquis par les Sumériens, conquis par les Babyloniens, conquis par Alexandre, conquis par les Romains, conquis par les Arabes du désert venus du sud, apportant la parole de l’Islam, conquis par les Ottomans, colonisé par les Britanniques, passant maintenant sous la sphère d’influence américaine... Qu’était un roi parmi tant de morts et de pertes, de langues disparues à jamais? Et qu’était un officier des services secrets parmi tant de conseillers à la cour sinon un crâne desséché, mis à nu par le vent et le sable? (p. 78)

Nasser essaie de tuer le roi, dit mon père.
Je sais, répondit Rashid avec tristesse, scrutant le fond de sa tasse, lisant le marc du café.
Vous savez?
Oui.
Pourquoi ne m’avez-vous rien dit?
Je ne savais pas que ça faisait partie de mon travail de vous dire tout ce que je savais. (Il sourit à mon père, alluma une cigarette.) De toute façon, je n’ai pas de véritable information. Où, quand, comment...
Nous aimerions vous aider.
(p. 80) 

     ...En 1957, l’Égypte et la Syrie formèrent une alliance, la République arabe unie, encerclant de ce fait les monarchies du désert traditionnelles, la Jordanie, l’Irak et le Korach. [...] Washington – la paranoïa s’installant, aussi lugubre qu’un mauvais temps permanent – formula ce qu’on appela la doctrine Eisenhower, par laquelle les États-Unis promettaient de venir en aide à tous les pays qui auraient besoin d’un soutien militaire pour combattre le communisme. (p. 83) 
     C’était un monde d’espions, alors des espions et leurs femmes sorties de la chic université de Vassar, avec leurs grands sourires, leurs dents blanches, leur rouge à lèvres rouge et leurs paquets de cigarettes, des espions avec leurs bols d’Equanil et leurs shakers de dry Martini très corsé, des espions et leurs redoutables familles de Cincinnati, Hartford et leurs nuits sur le lac avec les lucioles et leurs courts de tennis. ... Des espions qui avaient répondu à l’appel du devoir, des espions qui avaient répondu à l’appel de l’aventure, des garçons de Yale, Harvard, Princeton et de l’université de Virginie ... des garçons qui attendaient par un chaud  matin grec d’appuyer sur la détente qui allait faire exploser la tête d’un officier allemand qui se baissait maintenant pour enlever une poussière qui offensait ses bottes étincelantes, son dernier acte, son dernier geste d’obsédé de l’ordre, sa dernière pensée elle-même un éclat ... – VLAN, rideau, le jeune Américain, l’espion américain, souriant tout seul de satisfaction, reconnaissant envers son père de lui avoir appris le tir au pigeon d’argile pendant ces matins d’hiver glacés à Greenwich. Pull. VLAN. (p. 89)

Un roman de grande qualité. Le voyage dans le temps entre 1958 et 1998 coule de source, sans créer de confusion. On n’est pas obligé de reculer de quatre ou cinq chapitres pour vérifier qui faisait quoi à quelle époque. Un coup de maître. 

J’ai abandonné Homeland à la quatrième saison. Je suis persuadée que si Bromell avait continué de mener l’histoire, elle aurait pris une tangente différente. À un moment donné, la sauce est tellement épaisse qu’on a mal au cœur (une septième saison à venir). Savoir s’arrêter avant de lasser l’auditoire est un art que bien peu de producteurs de séries connaissent...

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L’espion britannique à la John le Carré qui se cachait au Canada

Cet agent du MI-5 pendant la Deuxième Guerre se cachait sous les traits d’un petit journaliste. Le chroniqueur d’un petit journal local de la côte ouest en Colombie-Britannique dans les années 1950 était dans les faits un ancien très important espion britannique.

Photo : The National Archives.  Eric Roberts a vécu une retraite paisible avec sa famille dans l'île Salt Spring (C.-B.)  

http://www.rcinet.ca/fr/2014/10/29/lespion-britannique-a-la-john-le-carre-qui-se-cachait-au-canada/

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     Le début du XXe siècle marque le développement des nouvelles technologies en matière de mise sur écoute et de surveillance. «The Thing», comme l’appelle les Américains, se compose d’une petite antenne et d’un cylindre ainsi que d’une fine membrane. Les agents soviétiques, en se plaçant à proximité de la résidence, peuvent actionner le micro et grâce à des fréquences radios, écouter ce que disent les diplomates américains. Un système étonnant de simplicité qui représente une avancée majeure à cette époque. «J’ai le sentiment qu’avec cette découverte, tout l’art de l’écoute intergouvernementale s’est élevé à un niveau technologique», écrivait Georges Kennan, l’ambassadeur en fonction lors de la découverte du mouchard.

Portrait de Georges Kennan, réalisé par Ned Siedler

Ces sept ans d’espionnage ont permis aux Russes d’obtenir des informations spécifiques très importantes qui se sont révélées avantageuses dans la prédiction et dans l’action des politiques du monde, et ce pendant la difficile période de la guerre froide. ... Une dizaine d’années plus tard, en 1960, l’URSS abat un avion américain U-2 qui volait au dessus de son espace aérien. La Russie organise une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies et accuse les États-Unis d’espionnage. Seulement, Henry Cabot Lodge, Jr., l’ambassadeur américain, dévoile l’affaire du Grand sceau au Conseil de sécurité et à la presse, prouvant que les Russes aussi espionnent les États-Unis. «C’est celui qui dit qui y est», ça marche aussi en politique.

(Memoirs, 1950-1963 de Georges Frost Kennan)  

Via http://www.ulyces.co/news/enfants-russes-espions-usa-ambassade/ 

Enfin, si vous aimez ce genre littéraire : Le Détectionnaire, un dictionnaire des personnages principaux de la littérature policière et d’espionnage; Norbert Spehner, Les Éditions ALIRE Inc., 2016

Dès son apparition au XIXe siècle, la littérature policière a fasciné. D’abord récit d’énigmes et de détection, le roman policier a évolué et s’est diversifié au fil des décennies, tant et si bien qu’il est d’usage maintenant de parler «des» littératures policières. ...
Plus de 2600 personnages.

Un travail de moine que vous pouvez feuilleter en ligne à cette adresse :
http://www.alire.com/Essais/Detectionnaire.html