31 mai 2011

Bientôt les vacances

Nos vies remplies sont parfois vides comme un désert.

La méditation : chemin de la paix mentale  


«Les circonstances dans lesquelles nous vivons exercent actuellement sur nous une influence très contraignante et entraînent un abondant flux de pensées qui paralyse nos tentatives de méditation. Il est donc nécessaire de se retirer dans un lieu relativement à l’écart des activités mondaines. Un animal sauvage vivant dans les forêts de haute montagne ne supporte aucunement l’agitation de la ville. Notre esprit méditatif ne peut non plus se développer dans des conditions où règnent en maîtres les distractions et les sollicitations extérieures permanentes.
     »Les Occidentaux travaillent beaucoup toute l’année, dans un bureau ou ailleurs, et disposent d’un ou deux mois de vacances. C’est pour eux l’occasion d’aller à l’étranger, de se rendre au bord de la mer, à la montagne ou à la campagne, dans l’idée d’y trouver le bonheur et le repos. Malheureusement, l’esprit, quant à lui, ne part guère en vacances : les cinq poisons, les souffrances et les difficultés intérieures font partie du voyage. En fait ce ne sont que des demi-vacances. Seule la méditation procure des vacances à plein temps.
      »Les habitants des villes aiment partir en week-end. Ils pensent que cela va les reposer du travail de la semaine. Le vendredi soir, ils sont très contents à la pensée que le lendemain ils vont aller à la campagne ou au bord de la mer. Mais, le samedi matin, les difficultés commencent : il faut préparer les affaires, chercher ce qu’on ne trouve pas quand on en a besoin, se dépêcher. Puis on prend la route et l’on se retrouve dans les embouteillages et les ennuis de circulation; il faut être attentif, se méfier de la police, etc. Une fois arrivé à destination, il faut encore se préoccuper de ce qu’on va manger et du lieu où l’on va dormir. Le dimanche soir, on reprend la route, on retrouve les bouchons, on s’énerve… et l’on termine le week-end épuisé. Quand on fait chiné [la pacification mentale], on trouve le vrai repos, on prend de vraies vacances.»

      ~ Bokar Rimpoché

***
      «Il y a une pépite d’or au fond de chacun de nous. Elle peut être enfouie sous un tas d’immondices. Il suffit de la retrouver et de la polir, pour lui redonner son éclat.»
      «On peut bien prendre 15 ou 20 minutes dans sa journée pour lui donner une autre saveur.» 

      ~ Matthieu Ricard

30 mai 2011

À Midas ou à Crésus

Poème de Victor Hugo (22 mai 1837); Recueil Les Voies intérieures.

À un riche

Jeune homme! je te plains; et cependant j'admire
Ton grand parc enchanté qui semble nous sourire,
Qui fait, vu de ton seuil, le tour de l'horizon,
Grave ou joyeux suivant le jour et la saison,  
Coupé d'herbe et d'eau vive, et remplissant huit lieues
De ses vagues massifs et de ses ombres bleues.
J'admire ton domaine, et pourtant je te plains!
Car dans ces bois touffus de tant de grandeur pleins,
Où le printemps épanche un faste sans mesure,
Quelle plus misérable et plus pauvre masure
Qu'un homme usé, flétri, mort pour l'illusion,
Riche et sans volupté, jeune et sans passion,
Dont le cœur délabré, dans ses recoins livides,
N'a plus qu'un triste amas d'anciennes coupes vides,
Vases brisés qui n'ont rien gardé que l'ennui,
Et d'où l'amour, la joie et la candeur ont fui!

Oui, tu me fais pitié, toi qui crois faire envie!
Ce splendide séjour sur ton cœur, sur ta vie,
Jette une ombre ironique, et rit en écrasant
Ton front terne et chétif d'un cadre éblouissant.  

Dis-moi, crois-tu, vraiment posséder ce royaume
D'ombre et de fleurs, où l'arbre arrondi comme un dôme,
L'étang, lame d'argent que le couchant fait d'or,
L'allée entrant au bois comme un noir corridor,
Et là, sur la forêt, ce mont qu'une tour garde,
Font un groupe si beau pour l'âme qui regarde!
Lieu sacré pour qui sait dans l'immense univers,
Dans les prés, dans les eaux et dans les vallons verts,
Retrouver les profils de la face éternelle
Dont le visage humain n'est qu'une ombre charnelle!

Que fais-tu donc ici? Jamais on ne te voit,
Quand le matin blanchit l'angle ardoisé du toit,
sortir, songer, cueillir la fleur, coupe irisée
Que la plante à l'oiseau tend pleine de rosée,
Et parfois t'arrêter, laissant pendre à ta main
Un livre interrompu, debout sur le chemin,
Quand le bruit du vent coupe en strophes incertaines
Cette longue chanson qui coule des fontaines.

Jamais tu n'as suivi de sommets en sommets
La ligne des coteaux qui fait rêve; jamais
Tu n'as joui de voir, sur l'eau qui reflète,
Quelque saule noueux tordu comme un athlète.
Jamais, sévère esprit au mystère attaché,
Tu n'as questionné le vieux orme penché
Qui regarde à ses pieds toute la pleine vivre
Comme un sage qui rêve attentif à son livre.  

L'été, lorsque le jour est par midi frappé,
Lorsque la lassitude a tout enveloppé,
A l'heure où l'andalouse et l'oiseau font la sieste,
Jamais le faon peureux, tapi dans l'antre agreste,
Ne te vois, à pas lents, loin de l'homme importun,
Grave, et comme ayant peur de réveiller quelqu'un,
Errer dans les forêts ténébreuses et douces
Où le silence dort sur le velours des mousses.

Que te fais tout cela? Les nuages des cieux,
La verdure et l'azur sont l'ennui de tes yeux.
Tu n'est pas de ces fous qui vont, et qui s'en vantent,
Tendant partout l'oreille aux voix qui partout chantent,
Rendant au Seigneur d'avoir fait le printemps,
Qui ramasse un nid, ou contemple longtemps
Quelque noir champignon, monstre étrange de l'herbe.
Toi, comme un sac d'argent, tu vois passer la gerbe.
Ta futaie, en avril, sous ses bras plus nombreux
A l'air de réclamer bien des pas amoureux,
Bien des cœurs soupirants, bien des têtes pensives;

Toi qui jouis aussi sous ses branches massives,
Tu songes, calculant le taillis qui s'accroît,
Que Paris, ce vieillard qui, l'hiver, a si froid,
Attend, sous ses vieux quais percés de rampes neuves,
Ces longs serpents de bois qui descendent les fleuves!
Ton regard voit, tandis que ton œil flotte au loin,
Les blés d'or en farine et la prairie en foin;
Pour toi le laboureur est un rustre qu'on paie;
Pour toi toute fumée ondulant, noire ou gaie,
Sur le clair paysage, est un foyer impur
Où l'on cuit quelque viande à l'angle d'un vieux mur.
Quand le soir tend le ciel de ses moires ardentes
Au dos d'un fort cheval assis, jambes pendantes,
Quand les bouviers hâlés, de leur bras vigoureux
Pique tes bœufs géants qui par le chemin creux
Se hâtent pêle-mêle et s'en vont à la crèche,
Toi, devant ce tableau tu rêves à la brèche
Qu'il faudra réparer, en vendant tes silos,
Dans ta rente qui tremble aux pas de don Carlos!

Au crépuscule, après un long jour monotone,
Tu t'enferme chez toi. Les tièdes nuits d'automne
Versent leur chaste haleine aux coteaux veloutés.
Tu n'en sais rien. D'ailleurs, qu'importe! A tes côtés,
Belles, leur bruns cheveux appliqués sur les tempes,
Fronts roses empourprés par le reflet des lampes,
Des femmes aux yeux purs sont assises, formant
Un cercle frais qui borde et cause doucement;
Toutes, dans leurs discours où rien n'ose apparaître,
Cachant leurs voeux, leur âmes et leur cœur que peut-être
Embaume un vague amour, fleur qu'on ne cueille pas,
Parfum qu'on sentirait en se baissant tout bas.
Tu n'en sais rien. Tu fais, parmi ces élégies,
Tomber ton froid sourire, où, sous quatre bougies,
D'autres hommes et toi, dans un coin attablés
Autour d'un tapis vert, bruyants, vous querellez
Les caprices du whist, du brelan ou de l'hombre.
La fenêtre est pourtant pleine de lune et d'ombre!  

O risible insensé! vraiment, je te le dis,
Cette terre, ces prés, ces vallons arrondis,
Nids de feuilles et d'herbe où jasent les villages,
Ces blés où les moineaux ont leurs joyeux pillages,
Ces champs qui, l'hiver même, ont d'austères appas,
Ne t'appartiennent point: tu ne les comprends pas.

Vois-tu, tous les passants, les enfants, les poètes,
Sur qui ton bois répand ses ombres inquiètes,
Le pauvre jeune peintre épris de ciel et d'air,
L'amant plein d'un seul nom, le sage au coeur amer,
Qui viennent rafraîchir dans cette solitude,
Hélas! l'un son amour et l'autre son étude,
Tous ceux qui, savourant la beauté de ce lieu,
Aiment, en quittant l'homme, à s'approcher de Dieu,
Et qui, laissant ici le bruit vague et morose
Des troubles de leur âme, y prennent quelque chose
De l'immense repos de la création,
Tous ces hommes, sans or et sans ambition,
Et dont le pied poudreux ou tout mouillé par l'herbe
Te fait rire emporté par ton landau superbe,
Sont dans ce parc touffu, que tu crois sous ta loi,
Plus riches, plus chez eux, plus les maîtres que toi,
Quoique de leur forêt que ta main grille et mure
Tu puisses couper l'ombre et vendre le murmure!

Pour eux rien n'est stérile en ces asiles frais.
Pour qui les sait cueillir tout a des dons secrets.
De partout sort un flot de sagesse abondante.
L'esprit qu'a déserté la passion grondante,
Médite à l'arbre mort, aux débris du vieux pont.
Tout objet dont le bois se compose répond
A quelque objet pareil dans la forêt de l'âme.
Un feu de pâtre éteint parle à l'amour en flamme.
Tout donne des conseils au penseur, jeune ou vieux.
On se pique aux chardons ainsi qu'aux envieux;
La feuille invite à croître; et l'onde, en coulant vite,
Avertit qu'on se hâte et que l'heure nous quitte.
Pour eux rien n'est muet, rien n'est froid, rien n'est mort.
Un peu de plume en sang leur éveille un remord;
Les sources sont des pleurs; la fleur qui boit aux fleuves,
Leur dit: Souvenez-vous, ô pauvres âmes veuves!

Pour eux l'antre profond cache un songe étoilé;
Et la nuit, sous l'azur d'un beau ciel constellé,
L'arbre sur ses rameaux, comme à travers ses branches,
Leur montre l'astre d'or et les colombes blanches,
Choses douces aux cœurs par le malheur ployés,
Car l'oiseau dit: Aimez! et l'étoile: Croyez!

Voilà ce que chez toi verse aux âmes souffrantes
La chaste obscurité des branches murmurantes!
Mais toi, qu'en fais tu? dis. - Tous les ans, en flots d'or,
Ce murmure, cette ombre, ineffable trésor,
Ces bruits de vent qui joue et d'arbre qui tressaille,
Vont s'enfouir au fond de ton coffre qui bâille;
Et tu changes ces bois où l'amour s'enivra,
Toute cette nature, en loge à l'opéra!

Encor si la musique arrivait à ton âme!
Mais entre l'art et toi l'or met son mur infâme.
L'esprit qui comprend l'art comprend le reste aussi.
Tu vas donc dormir là! sans te douter qu'ainsi
Que tous ces verts trésors que dévore ta bourse,
Gluck est une forêt et Mozart une source.

Tu dors; et quand parfois la mode, en souriant,
Te dit: Admire, riche! alors, joyeux, criant,
Tu surgis, demandant comment l'auteur se nomme,
Pourvu que toutefois la muse soit un homme!
Car tu te roidiras dans ton étrange orgueil
Si l'on t'apporte, un soir, quelque musique en deuil,
Urne que la pensée a chauffée à sa flamme,
Beau vase où s'est versé tout le cœur d'une femme.

O seigneur malvenu de ce superbe lieu!
Caillou vil incrusté dans ces rubis en feu!
Maître pour qui ces champs sont pleins de sourdes haines!
Gui parasite enflé de la sève des chênes!
Pauvre riche! - Vis donc, puisque cela pour toi
C'est vivre. Vis sans cœur, sans pensée et sans foi.
Vis pour l'or, chose vile, et l'orgueil, chose vaine.
Végète, toi qui n'as que du sang dans la veine,

Toi qui ne sens pas Dieu frémir dans le roseau,
Regarder dans l'aurore et chanter dans l'oiseau!

Car, - et bien que tu sois celui qui rit aux belles
Et, le soir, se récrie aux romances nouvelles, -
Dans les coteaux penchants où fument les hameaux,
Près des lacs, près des fleurs, sous les larges rameaux,
Dans tes propres jardins, tu vas aussi stupide,
Aussi peu clairvoyant dans ton instinct cupide,
Aussi sourd à la vie à l'harmonie, aux voix,
Qu'un loup sauvage errant au milieu des grands bois!

28 mai 2011

Question de perspective

Me revoilà une fois de plus avec mes meilleurs amis et Voltaire…
Pour certains, il s’agit d’une évidence, pour les cartésiens irréductibles et les sceptiques, il s’agit de sornettes.

Voltaire est toujours honni de nos jours pour les mêmes raisons qu’à l’époque où il vivait.
Hé! Plus ça change, plus c’est pareil.

***
Bêtes
Par Voltaire

Quelle pitié, quelle pauvreté, d'avoir dit que les bêtes sont des machines, privées de connaissance et de sentiment, qui font toujours leurs opérations de la même manière, qui n'apprennent rien, ne perfectionnent rien, etc.!

Photos Daniel Carbajal - voyez son commentaire à la fin du message

Quoi cet oiseau qui fait son nid en demi cercle quand il l'attache à un mur, qui le bâtit en quart de cercle quand il est dans un angle, et en cercle sur arbre; cet oiseau fait tout de la même façon? Ce chien de chasse que tu as discipliné pendant trois mois, n'en sait-il pas plus au bout de ce temps, qu'il en savait avant les leçons? Le serin à qui tu apprends un air, le répète-t-il dans l'instant? N'emploies-tu pas un temps considérable à l'enseigner? N’as-tu pas vu qu'il se méprend et qu'il se corrige?

Est-ce parce que je te parle, que tu juges que j'ai du sentiment, de la mémoire, des idées? Eh bien, je ne te parle pas; tu me vois entrer chez toi l'air affligé, chercher un papier avec inquiétude, ouvrir le bureau où je me souviens de l'avoir enfermé, le trouver, le lire avec joie. Tu juges que j'ai éprouvé le sentiment de l'affliction et celui du plaisir, que j'ai de la mémoire et de la connaissance.

Porte donc le même jugement sur ce chien qui a perdu son maître, qui l'a cherché dans tous les chemins avec des cris douloureux, qui entre dans la maison agité, inquiet, qui descend, qui monte, qui va de chambre en chambre, qui trouve enfin dans son cabinet le maître qu'il aime, et qui lui témoigne sa joie par la douceur de ses cris, par ses sauts, par ses caresses.

Des barbares saisissent ce chien, qui l'emporte si prodigieusement sur l'homme en amitié; ils le clouent sur une table, et ils le dissèquent vivant pour te montrer les veines mésaraïques. Tu découvres dans lui tous les mêmes organes de sentiment qui sont dans toi. Réponds-moi, machiniste; la nature a-t-elle arrangé tous les ressorts du sentiment dans cet animal, afin qu'il ne sente pas? A-t-il des nerfs pour être impassible? Ne suppose point cette impertinente contradiction dans la nature.

Mais les maîtres de l'école demandent ce que c'est que l'âme des bêtes? Je n'entends pas cette question. Un arbre a la faculté de recevoir dans ses fibres sa sève qui circule, de déployer les boutons de ses feuilles et de ses fruits; me demanderez-vous ce que c'est que l'âme de cet arbre? Il a reçu ces dons; l'animal a reçu ceux du sentiment, de la mémoire, d'un certain nombre d'idées. Qui a fait tous ces dons? Qui a donné toutes ces facultés? Celui qui fait croître l'herbe des champs, et qui fait graviter la terre vers le soleil.

Les âmes des bêtes sont des formes substantielles, a dit Aristote, et après Aristote l'école arabe, et après l'école arabe, l'école angélique, et après l'école angélique la Sorbonne, et après la Sorbonne personne au monde.

«Les âmes des bêtes sont matérielles », crient d'autres philosophes. Ceux-là n'ont pas fait plus de fortune que les autres. On leur a en vain demandé ce que c'est qu'une âme matérielle; il faut qu'ils conviennent que c'est de la matière qui a sensation; mais qui lui a donné cette sensation? C’est une âme matérielle, c'est-à-dire que c'est de la matière qui donne de la sensation à de la matière, ils ne sortent pas de ce cercle.

Écoutez d'autres bêtes raisonnant sur les bêtes; leur âme est un être spirituel qui meurt avec le corps : mais quelle preuve en avez-vous? Quelle idée avez-vous de cet être spirituel, qui, à la vérité, a du sentiment, de la mémoire, et sa mesure d'idées et de combinaisons, mais qui ne pourra jamais savoir ce que sait un enfant de six ans. Sur quel fondement imaginez-vous que cet être qui n'est pas corps périt avec le corps? Les plus grandes bêtes sont ceux qui ont avancé que cette âme n'est ni corps ni esprit. Voilà un beau système. Nous ne pouvons entendre par esprit que quelque chose d'inconnu qui n'est pas corps. Ainsi le système de ces messieurs, revient à ceci, que l'âme des bêtes est une substance qui n'est ni corps ni quelque chose qui n'est point corps.

D'où peuvent procéder tant d'erreurs contradictoires? De l'habitude où les hommes ont toujours été d'examiner ce qu'est une chose, avant de savoir si elle existe. On appelle la languette, la soupape d'un soufflet ~ l'âme du soufflet. Qu'est-ce que cette âme? C’est un nom que j'ai donné à cette soupape qui baisse, laisse entrer l'air, se relève, et le pousse par un tuyau, quand je fais mouvoir le soufflet.

Il n'y a point là une âme distincte de la machine. Mais qui fait mouvoir le soufflet des animaux? Je vous l'ai déjà dit, celui qui fait mouvoir les astres. Le philosophe qui a dit : Deus est anima brutorum*, avait raison : mais il devait aller plus loin.

* «Dieu est l’âme des bêtes/brutes». Autrement dit, une source, une énergie ou un seul principe anime tout ce qui existe … «All That Is», as one might say. Ou encore «Deus ex machina» - Dieu à l’intérieur du robot... biologique.

***
Encore une fois, les animaux humains n’ont pas de quoi se faire péter les bretelles.



Photos 

Horneros urbain 
En Uruguay, les horneros se nichent partout. Ce nid a la particularité d’être construit sur une fenêtre du bâtiment où je vis. À voir le nid, j'ai accumulé plus de 600 photos.  Tout a commencé par curiosité. Je prenais plaisir à prendre des clichés chaque jour. Ce fut une belle surprise de présenter ces photos à ma famille et aux amis…

J’ai pensé qu’il serait bon de mettre les photos en ligne pour les partager avec vous, principalement à ceux qui parmi vous se soucient de l'environnement. 

Je ne suis pas photographe. Le nid a été construit entre la fin de septembre et le 30 novembre. Les oiseaux travaillent de 8 à 10 heures par jour mais ils n'ont pas travaillé le dimanche!

Daniel Carbajal

27 mai 2011

Prolongation indue de la vie

Suite du message «Dans les chaussures de…», 23 mai.

Plus de 10 jours que ma mère se morfond, complètement dopée et parfois attachée à son grabat – protection oblige! Mais qui protège-on : le personnel (pour éviter des poursuites pour négligence) ou ma mère? Combien de temps vont-ils prolonger l’agonie?

J’ai pourtant transmis explicitement les volontés de ma mère (dument notariées en janvier 2000) : aucun acharnement thérapeutique ni prolongement de la vie. Faudrait-il partir en Suisse?

Dessin : DELUCQ

Meurtre par omission ou meurtre par compassion?
C’est à croire que les humains éprouvent un plaisir sadique à faire souffrir et/ou à regarder souffrir autrui.

En désespoir de cause, j’ai cherché inspiration/conseil dans le site de l’AQDMD. Voici un excellent résumé de l’aspect légal/éthique du «droit de mourir dans la dignité» au Canada – tiré d’un document pdf - site http://www.aqdmd.qc.ca/page17.php

J’apprécie particulièrement la conclusion du Dr Beauchamp; je me doutais bien qu’il y avait encore des médecins intelligents, humains et bienveillants…

Suicide assisté, euthanasie, sédation
Par Yvon Beauchamp M.D., C.C.F.P.; Services de soins palliatifs, Hôpital Sacré-Cœur de Montréal, CSSS Bordeaux-Cartierville-Saint-Laurent; Professeur-adjoint de clinique, Université de Montréal
2009-05

Introduction
• C’est mon impression qu’avec les années au Canada les soins palliatifs se sont donnés la mission d’être les champions de la Non-Euthanasie et d’être l’alternative universelle à un acte punissable au regard de la loi de Dieu, de la loi des Hommes et du Collège des Médecins.
• Il y a des gens qui pensent qu’«un développement accéléré des soins palliatifs est synonyme de non-besoin de suicide, de suicide assisté et d’euthanasie».
• Les soins palliatifs sont une chose et l’euthanasie est un autre sujet; le suicide et l’aide au suicide sont aussi des sujets différents mais qui sont toujours liés lors de nos discussions. L’un doit-il obligatoirement être en opposition avec l’autre ?
• La religion est affaire d’Églises, de foi non rationnelle et d’obéissance surtout
• Nos codes, civil et criminel, sont affaires de sociétés civiles laïques ici au Canada, de droits, de responsabilités et d’obligations légales et sociales mais aussi d’obéissance
• Le code de déontologie est affaire de professionnalisme, de connaissances, de savoir être, de savoir faire et encore d’obéissance
• Trois niveaux d’interpellation d’un médecin ou d’une infirmière qui sous-entendent des droits, des devoirs, des obligations, des acceptations et une obéissance aux règles.
Trois créneaux différents du même individu, créneaux dont l’importance relative varie d’un individu à l’autre.

Même débat; sujets différents
Sujets différents; même débat

• La société canadienne n’est pas statique, elle a cheminé, elle change sa pensée.
Un individu vient au monde, vit plus ou moins longtemps et meurt.
• Ces trois étapes de développement se sont traduites et se traduisent encore dans notre société par de délicates discussions, parfois des affrontements.
• Nous avons eu nos affrontements lors des décisions à prendre au regard de l’avortement et nous en avons encore au regard du fœtus et son existence en tant que personne légale; nous en avons sur le suicide (fin de vie décidée par l’individu) et sur l’aide au suicide ainsi que sur l’euthanasie ou encore sur la fin de la vie lors d’une sédation palliative.
• Je ne veux pas parler des religions et des Églises ce matin; elles ont leur propres règles concernant ces sujets.

L’histoire légale de l’avortement
Date/commentaire  

- Avant 1869 : Aucune loi ne fait mention de l’avortement
- 1869 : «Loi sur les infractions contre la personne».
Criminalisation de l’avortement et peine possible de la prison à perpétuité pour toute personne qui tente de s’avorter ou de procurer un avortement à une femme.
- 1892 : La diffusion d’information sur la contraception devient une activité criminelle.
- 1969 : Loi C-150 : donne la permission d’avorter si effectué dans un hôpital accrédité et si un comité thérapeutique composé de trois médecins responsables d’évaluer si la vie ou la santé de la femme est en danger, l’autorise. Sans ces conditions le geste demeure un crime. La loi permet aussi la diffusion d’information sur la contraception et la vente de moyens contraceptifs.
- 1969-1980 : Poursuites et acquittements à plusieurs reprises et dans plusieurs provinces du Dr Morgentaler.
- 1988 : Jugement de la cour suprême du Canada : Décriminalisation de l’avortement sans reconnaissance constitutionnelle du droit à l’avortement; ceci laisse la porte entrouverte à la possibilité pour l’État de restreindre ce droit dans le but de protéger le fœtus.

Euthanasie: mot inconnu dans le code criminel
Article/teneur

- 14 : «Nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée»
- 215 : «…devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence»
- 219 : «…négligence criminelle»
- 220 : «le fait de causer la mort par négligence criminelle»
- 222 : Homicide
- 229 : Meurtre
- 234 : Homicide involontaire coupable
- 245 : Le fait d’administrer des substances délétères
- 241 : Coupable quiconque conseille ou aide qu’un à se donner la mort
Meurtre au premier degré car l’intention de causer la mort est présente et il y a préméditation

Histoire légale du suicide et du suicide assisté au Canada
Date/article/commentaire

- Avant 1892 – Draft code – Pensées suicidaire passibles d’emprisonnement
Suicide et Aide au suicide punissables de mort
- 1892 – 238 et 237 – Allègement des peines :  
Tentative de suicide :  diminuée à 2 ans de prison,
Aide au suicide : demeure la prison à perpétuité
- 1906, 1927, 1953, 1970 – Réformes de la loi 
Aucun changement lors des révisions mais allègement de la peine pour l’Aide au suicide qui passe à 14 ans de prison. La tentative de suicide passe à un statut de «sérieux» à «moins grave» comme acte criminel
- 1972 – Abolition dans le code criminel canadien de l’aspect criminel de la tentative de suicide, mais non de l’aide au suicide

L’histoire légale d’un mot qui n’existe pas dans le code pénal
Date/conclusion

- 1983 – Commission de réforme du droit du Canada :
Consensus canadien sur 3 principes :
1. La protection de la vie humaine est une valeur fondamentale
2. Un malade a droit à l’autonomie et à l’autodétermination à propos de ses soins médicaux
3. La vie humaine doit être envisagée dans une perspective à la fois quantitative et qualitative
L’aide au suicide demeure un crime mais on supprime les ambigüités qui semblaient obliger un MD, de façon absolue, à poursuivre un traitement commencé
- 1994 – Commission sénatoriale sur l’euthanasie Rapport en 1995 :  
Ne suggère aucun changement dans la loi pour le suicide assisté (il y a des membres dissidents).
Définition de l’euthanasie : «un acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d’autrui pour mettre fin à ses souffrances»
Subdivisions:
1. volontaire (demande du patient)
2. non volontaire (sans qu’on connaisse les vœux du patients)
3. involontaire (à l’encontre des vœux du patient)
Les trois formes d’euthanasie demeurent illégales et les seules ouvertures sont au regard de la forme volontaire et non volontaire pour lesquelles on suggère une diminution des peines lorsque l’élément de compassion est présent.
Définition sénatoriale de la «sédation palliative»

Le code de déontologie
Article/libellé

- 7 : Le médecin doit ignorer toute intervention qui ne respecte pas sa liberté professionnelle
- 28 : Obtention d’un consentement libre et éclairé du patient ou de son représentant légal avant d’entreprendre une investigation ou un traitement
- 55 : Le médecin ne doit pas diminuer les capacités physiques, mentales ou affectives d’un patient, sauf si cette diminution est requise pour des motifs préventifs, diagnostiques ou thérapeutiques
- 58 : Le médecin doit agir de telle sorte que le décès d’un patient qui lui paraît inévitable survienne dans la dignité. Il doit assurer à ce patient le soutien et le soulagement appropriés.
- 59 : Le médecin doit collaborer avec les proches du patient ou toute autre personne qui démontre un intérêt significatif pour celui-ci
- 60 : Le médecin doit refuser sa collaboration ou sa participation à tout acte médical qui irait à l’encontre de l’intérêt du patient, eu égard à sa santé.

La sédation palliative

• 1. «Atténuation ou disparition des manifestations pathologiques»
Dictionnaire Larousse
• 2. «La sédation complète est le fait de rendre une personne totalement inconsciente en lui administrant des médicaments non susceptibles d’abréger la vie»
Comité sénatorial spécial sur l’euthanasie et l’aide au suicide (1993)
• 3. «La sédation profonde, ou sédation terminale, se définit par l’induction et le maintien intentionnel d’un sommeil léger à profond, mais ne causant pas délibérément la mort, chez des patients en phase terminale de leur maladie»
Le Regroupement des Pharmaciens ayant un Intérêt pour les Soins Palliatifs (RPISP, 1995)
• 4. «Administration intentionnelle de substances sédatives au dosage minimal nécessaire dans le but d’obtenir le soulagement d’un ou plusieurs symptômes réfractaires en réduisant l’état de conscience temporairement ou définitivement d’un patient porteur d’une maladie avancée dont l’espérance de vie estimée est courte (jours ou semaines), ceci en collaboration avec une équipe multidisciplinaire compétente»
• Symptôme réfractaire: symptôme vécu par le patient comme insupportable et ne pouvant être contrôlé de manière satisfaisante pour le patient en dépit d'une prise en charge palliative correctement menée qui jusqu'alors ne compromettait pas la communication de la personne malade avec autrui.
Broeckart et Olarte (2000-2002-2004)

Ce que ce n’est pas

• 1. La sédation terminale devrait être distinguée de l’état d’altération progressif de la conscience qui accompagne spontanément l’évolution de la maladie vers la mort. Cette dernière résulte de l’addition des conditions métaboliques du mourir et des traitements utilisés.
• 2. La sédation terminale se distingue également de la sédation survenant occasionnellement comme effet secondaire non désiré des dérivés opioïdes utilisés à forte dose dans le cadre du soulagement de douleurs sévères. La sédation terminale consiste donc en une décision explicite de provoquer l’inconscience chez un patient pour prévenir ou répondre à une quelconque situation de détresse physique ou psychologique incontrôlable.

Qui sédater?

• Les situations singulières et complexes dont la réponse ne peut se réduire au seul domaine médical sortent du domaine des indications.
• Elles s’inscrivent dans un contexte de détresse persistante, vécue comme insupportable par le patient, comportant parfois une demande d’euthanasie. Elles ne peuvent s'envisager en termes de «maîtrise» au sens médical du terme.
• Parfois résumée par le terme de «souffrance existentielle», elle ne peut constituer en tant que telle une «indication» à la sédation.
• La prise en compte de ce type de souffrance ne peut être réduite à une prise en charge médicale ou pharmacologique.

Conclusion

• Débats persistants, la loi n’a pas encore changé. Le terme «euthanasie» n’existe pas dans le code criminel; on parle de meurtre au premier ou au second degré et tous les termes que l’on veut introduire n’y changent rien.
• La loi va changer si la société en fait vraiment la demande, de façon soutenue comme pour l’avortement et le suicide. Le terme «euthanasie», apparaitra-il dans nos codes de loi? L’aide au suicide sera-t-il décriminalisé? Il faut y penser, c’est une question de temps.
• Le médecin acceptera-t-il de poser ces gestes? Affaire de conscience, de religion peut-être et de code de déontologie. Ce qui est légal est-il nécessairement moral ou ce qui est moral est-il nécessairement légal?
• Sommes-nous une société meilleure religieusement ou culturellement que la société belge ou que celle des Pays-Bas ou des États de Washington et d’Oregon qui ont légiféré pour permettre et encadré ce fameux mot «aide au suicide médicalement assisté»? Ou bien est-ce que nous n’avons pas poussé aussi loin le débat?
• Pourquoi l’aide au suicide et l’euthanasie volontaire ne seraient-il pas d’autres gestes médicaux adéquats dans certaines circonstances ?
• Pourquoi est-ce moralement et légalement acceptable de sédater profondément et sans retour un malade en « disant laisser faire la nature et la maladie » (discours officiel) en sachant que la privation de nourriture et d’hydratation, conséquence du geste médical de sédater, est tout à fait en cause aussi dans un processus de décès qui s’étalera sur 6-7-8 jours et plus parfois, mettant souvent les familles dans des états émotionnels très affligeants ainsi que l’équipe soignante?
• On peut toujours argumenter que c’est le patient qui est prépondérant lors de la prise de décision des gestes que nous posons!
Pourtant c’est l’essence même des «soins palliatifs» que d’englober continuellement les familles et leur vécu dans nos décisions.
• Pourquoi est-ce illégal et criminel de faire une même sédation qui ne durerait pas de façon indue avec les mêmes médicaments, avec le même idéal de soulager une souffrance physique ou psychologique réfractaire?
Pourquoi la prise de décision du choix des médicaments qui obéit aux mêmes règles que pour une sédation palliative ne nous permettrait-elle pas de viser un processus de décès de durée moindre ?
• Sommes-nous hypocrites, de bonne foi ou naïfs?

26 mai 2011

Choisir d'aimer

Un texte inspiré/inspirant d’un enseignant spirituel que je respecte pour son intégrité – il semble «dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit»… du moins j’en ai l’impression, même si je ne l’ai jamais croisé.

Nous pourrions avantageusement nous inspirer de ses suggestions... Son site exhale une grande paix et montre qu’il est possible de créer des mondes parallèles sur cette planète, de vivre une autre sorte de bonheur, à l’abri du tourbillon de folie consumériste et guerrière qui prévaut sur terre actuellement.

Du site www.buddhaline.net

Quels sont les liens entre amour et compréhension? Il s’agit avant tout de bien s’entendre sur les termes : qu’est-ce qu’un véritable amour et comment y accéder?

L’instant d’aimer
Par Thich Nhat Hanh

LA COMPRÉHENSION

La compréhension et l’amour ne sont pas deux choses distinctes mais une seule et même chose. Imaginez que votre fils se réveille un matin et s’aperçoive qu’il est déjà tard. Il décide de réveiller sa petite sœur, afin qu’elle ait le temps de prendre son petit déjeuner avant de se rendre à l’école. Il se trouve qu’elle est de mauvaise humeur et qu’au lieu de dire : «Merci de m’avoir réveillée», elle dit : «Tais-toi! Laisse-moi tranquille!» et lui donne un coup. Il va probablement se fâcher, pensant : «Je l’ai gentiment réveillée. Pourquoi donc m’a-t-elle frappé ?» . Il aura peut-être même envie de lui rendre son coup. Mais alors il se souvient que sa sœur a beaucoup toussé pendant la nuit et il se dit qu’elle doit être malade. Elle s’est peut-être comportée ainsi à cause de cela. A ce moment précis, il comprend et n’est plus fâché du tout. Lorsque vous comprenez, vous ne pouvez vous empêcher d’aimer. Vous ne pouvez plus vous fâcher. Pour développer la compréhension, il faut vous exercer à regarder tous les êtres vivants avec les yeux de la compassion. Comprenant, vous ne pouvez pas vous empêcher d’aimer et, aimant, vous agissez naturellement de manière à soulager la souffrance de l’autre.

L’AMOUR VRAI

Il nous faut vraiment comprendre la personne que l’on veut aimer. Si notre amour n’est que désir de possession, ce n’est pas de l’amour. Si nous ne pensons qu’à nous-mêmes, si nous ne reconnaissons que nos propres besoins et ignorons ceux de l’autre, nous ne pouvons aimer. Nous devons regarder profondément afin de voir et comprendre les besoins, les aspirations et la souffrance de la personne qu’on dit aimer. C’est cela le fondement du véritable amour. Il est impossible de ne pas aimer quelqu’un qu’on comprend vraiment. De temps à autre, asseyez-vous près de l’être aimé, prenez sa main et demandez : «Mon amour, est-ce que je te comprends assez? Ou est-ce que je te fais souffrir ? Je te prie de me le dire afin que je puisse apprendre à t’aimer de façon juste. Je ne veux pas te faire souffrir et si je le fais à cause de mon ignorance, je te prie de me le dire afin que je puisse t’aimer mieux et que tu sois heureuse.» Si vous dites cela sur un ton qui transmette une véritable ouverture à la compréhension, l’autre se mettra peut-être à pleurer. C’est bon signe, car cela signifie que la porte de la compréhension s’ouvre et que tout sera à nouveau possible.

Un père peut ne pas avoir le temps ou ne pas être assez courageux pour poser une telle question à son fils. Alors l’amour entre eux n’aura pas la complétude qu’il pourrait avoir. Nous avons besoin de courage pour poser ces questions et si nous ne les posons pas, plus nous croyons aimer plus nous risquons de détruire ceux que nous essayons d’aimer. Le véritable amour a besoin de compréhension. Avec la compréhension, l’être aimé s’épanouira sans aucun doute.

MÉDITATION SUR LA COMPASSION

L’amour est un état d’esprit qui apporte paix, joie et bonheur. La compassion est un état d’esprit qui ôte à l’autre sa souffrance. Chacun de nous porte en soi les graines d’amour et de compassion et peut développer les merveilleuses sources de leur énergie. Nous pouvons nourrir l’amour inconditionnel, qui n’attend rien en retour et donc ne génère ni anxiété ni souffrance.

L’essence de l’amour et de la compassion est la compréhension, la capacité de reconnaître les souffrances physiques, matérielles et psychologiques d’autrui, de nous mettre dans la peau de l’autre. Nous pénétrons son corps, ses sentiments et ses formations mentales et ressentons en nous sa souffrance. L’observation extérieure creuse, faite en étranger, ne suffit pas à la déceler. Nous devons ne faire qu’un avec l’objet de notre observation. Étant en contact avec la souffrance d’autrui il naît en nous un sentiment de compassion. Être compatissant veut littéralement dire souffrir avec.

Nous commençons par choisir comme objet de méditation une personne soumise à des souffrances physiques ou matérielles, quelqu’un qui est faible et facilement malade, pauvre ou opprimé, ou sans protection. Ce type de souffrance est facilement décelable.

Ensuite nous pouvons nous exercer à rentrer en contact avec des formes de souffrances plus subtiles. Ces personnes ne peuvent pas du tout avoir l’air de souffrir, mais nous pouvons remarquer chez elles des souffrances ayant laissé des traces cachées. Ceux qui possèdent matériellement plus que le nécessaire souffrent également. Nous regardons en profondeur la personne qui est l’objet de la méditation sur la compassion, pendant la méditation assise et après, étant réellement en contact avec elle. Nous devons nous accorder suffisamment de temps pour arriver à un contact vraiment profond avec sa souffrance et poursuivre l’observation jusqu’à ce que la compassion naisse et se répande en notre être.

Le fruit de ce type d’observation profonde, de méditation, se transforme tout naturellement en action. Nous ne nous contenterons pas de dire, «J’aime beaucoup cette personne», mais dirons aussi : «J’agirai de sorte qu’elle souffre moins. » Il n’y a d’esprit de compassion véritable que celui qui incite à soulager la souffrance d’autrui. Nous devons trouver des façons de nourrir et d’exprimer notre compassion. Quand nous entrons en contact avec quelqu’un, nos pensées et nos actes doivent véhiculer notre compassion, même si cette personne dit et fait des choses difficiles à accepter. Nous nous exerçons à la compassion jusqu’au moment où nous voyons clairement que notre amour pour l’autre ne dépend en rien de son amabilité. Si tel est le cas, nous savons que notre esprit de compassion est fort et authentique. Nous serons nous-mêmes plus à l’aise et la personne qui a été l’objet de notre méditation finira par en bénéficier. Sa souffrance diminuera lentement et sa vie, grâce à notre compassion, sera progressivement plus radieuse et plus joyeuse.

Nous pouvons également méditer sur la souffrance de ceux qui nous font souffrir. Quiconque fait souffrir souffre indubitablement aussi. Il suffit que nous soyons attentif à notre respiration et que nous regardions profondément pour que la souffrance de quelqu’un nous devienne perceptible. Ses difficultés et ses peines peuvent avoir été engendrées en partie par la maladresse de ses parents alors qu’il était enfant. Mais ses parents peuvent à leur tour avoir été victimes de leurs propres parents ; la souffrance s’est transmise de génération en génération et s’est finalement incarnée en lui. Si nous percevons ce processus, nous ne lui reprocherons plus de nous faire souffrir, ayant compris que lui aussi est une victime. Regarder profondément donne la compréhension. Et une fois comprises les raisons pour lesquelles il s’est mal comporté, notre ressentiment disparaîtra et nous aspirerons à le voir souffrir moins. Nous nous sentirons calmes et légers et nous sourirons. L’autre n’a pas besoin d’être présent pour la réconciliation avec nous-mêmes. Le fait de regarder en profondeur suffit à l’engendrer. Et le problème cesse aussitôt d’exister. Un jour ou l’autre cette personne découvrira notre attitude et partagera le pouvoir régénérateur du flot d’amour qui s’épanche de notre cœur.

L’esprit d’amour apporte paix, joie et bonheur à nous-mêmes et à autrui ; l’observation attentive est l’élément qui nourrit l’arbre de la compréhension dont les plus belles fleurs sont l’amour et la compassion. Pour réaliser l’esprit d’amour nous devons aller vers la personne qui a fait l’objet de notre observation, de sorte qu’il ne reste pas seulement un fruit de notre imagination mais devienne source d’énergie capable d’abreuver le monde. Méditer sur l’amour ce n’est pas se contenter de rester assis sans bouger à visualiser notre amour qui se répand dans l’espace, comme des ondes sonores et lumineuses. De même que le son et la lumière pénètrent partout, ainsi le font l’amour et la compassion.

Mais si notre amour est purement imaginaire, il y a peu de chance qu’il ait quelque réel pouvoir. C’est dans la vie quotidienne même et le contact réel avec autrui que nous pouvons tester l’esprit d’amour, savoir s’il existe vraiment et évaluer son degré de stabilité. L’amour réel est visible dans notre vie courante, dans notre comportement vis-à-vis d’autrui et du monde. L’amour prend sa source profondément en nous et nous pouvons aider autrui à être très heureux. Une parole, un acte ou une pensée ont le pouvoir de réduire la souffrance de quelqu’un et lui donner la joie. Une parole peut apporter réconfort et confiance, détruire le doute, éviter à quelqu’un de commettre une erreur, résoudre un conflit ou ouvrir la porte de la libération. Un geste peut sauver la vie de quelqu’un ou lui permettre de saisir une occasion rare. Et il en est de même d’une seule pensée, car toute pensée conduit à parler et à agir. Si l’amour est dans notre cœur, chaque pensée parole ou acte peut opérer un prodige. La compréhension étant le fondement même de l’amour, les paroles et les actions qui en procèdent sont toujours d’une grande aide.

LE SOLEIL MON CŒUR

Nous savons que si notre cœur s’arrête de battre la vie cessera d’y couler, donc nous le choyons. Mais nous prenons rarement le temps de regarder que d’autres éléments, mais extérieurs, sont également essentiels à notre survie. Voyez l’immense source lumineuse appelée soleil. S’il cessait de luire, notre vie cesserait elle aussi, le soleil est donc un deuxième cœur pour nous, mais extérieur à notre corps. Ce cœur immense apporte la chaleur nécessaire à toute vie sur terre ; sans lui rien ne pourrait exister. Les plantes vivent grâce au soleil. Leurs feuilles absorbent son énergie, comme le dioxyde de carbone de l’air, pour nourrir l’arbre, la fleur, le plancton. Et les plantes rendent possible la vie humaine et animale. Tous – les êtres humains, les animaux et les plantes – nous consommons de la lumière solaire, directement ou indirectement. Il serait trop long de décrire tous les effets du soleil, ce grand cœur à l’extérieur du corps de l’homme. Notre corps n’est pas seulement la forme délimitée par la peau. Il est bien plus vaste. Il inclut même la couche d’air autour de notre planète; car si l’atmosphère disparaissait rien que pour un instant, notre vie prendrait fin. Chaque phénomène dans l’univers nous concerne, du caillou au fond de l’océan jusqu’au mouvement des galaxies, distantes de la Terre de millions d’années lumière. Walt Whitman a écrit «Je pense qu’un brin d’herbe ne compte pas moins que le labeur des étoiles...». Ce n’est pas là de la philosophie. Ces mots sont nés au tréfonds de son âme. Il a dit aussi : «Je suis vaste, je contiens des multitudes.»

NOURRIR LA VIGILANCE

Assis à table et voyant notre assiette pleine de nourriture qui sent bon, appétissante, nous pouvons nourrir notre conscience de l’amère douleur de ceux qui ont faim. Quarante mille enfants meurent chaque jour de faim et de carence d’éléments nutritifs. Chaque jour. Ce chiffre nous choque chaque fois que nous l’entendons. Regardant profondément dans notre assiette, nous pouvons «voir» notre mère, la Terre, les paysans et la tragédie de la faim et de la malnutrition.

Nous qui vivons en Amérique du Nord ou en Europe, nous sommes habitués à manger des céréales et autres aliments importés du Tiers-Monde, le café de la Colombie, le chocolat du Ghana ou le riz aromatique de Thaïlande. Nous devons savoir que les enfants de ces pays-là, hormis ceux des familles riches, ne voient jamais ces produits chez eux. Ils ne mangent que des produits de second ordre, les plus délicieux étant réservés à l’exportation pour faire rentrer des devises. Il y a même des parents qui, n’ayant pas les moyens de nourrir leurs enfants, doivent se résigner à les vendre comme domestiques à des familles qui, elles, ont de quoi les nourrir. Avant les repas, nous pouvons joindre les paumes des mains dans un geste de pleine conscience et penser aux enfants qui n’ont pas de quoi manger. Ce geste nous aide à nous maintenir conscient de notre chance, et peut-être un jour trouverons-nous des moyens pour contribuer à changer le système d’injustice qui règne dans le monde.

Dans nombre de familles de réfugiés, un enfant lève son bol de riz et dit plus ou moins ceci : «Aujourd’hui, sur la table, il y a beaucoup de mets délicieux. Je suis reconnaissant d’être ici avec ma famille à pouvoir les apprécier. Je sais qu’il existe tellement d’enfants moins chanceux qui ont très faim». Étant un réfugié, il sait, par exemple, que la plupart des enfants thaïs n’ont jamais l’occasion de contempler ce bon riz qui pousse dans leur pays et qu’il est sur le point de manger. Il est difficile d’expliquer aux enfants des pays «surdéveloppés» que dans le monde beaucoup d’enfants sont privés d’une nourriture si belle et si nourrissante. Avoir conscience de ce fait suffit à dépasser nombre de nos souffrances psychiques. Notre méditation peut finalement nous permettre de voir la nature de l’aide à apporter à ceux qui sont tellement démunis.

L’ÉCOLOGIE DE L’ESPRIT

Nous avons besoin d’harmonie, de paix. La paix est fondée sur le respect de la vie, la vénération profonde de la vie. Mais outre la vie humaine, nous devons respecter la vie animale, végétale et minérale. Les rochers peuvent être dotés de vie. On peut détruire aussi la Terre. La dégradation de notre santé est liée à la destruction du monde minéral. La manière de cultiver la terre, le traitement des ordures, tout cela est inter-relié.

L’écologie doit être profonde, et non seulement profonde, mais universelle, car ce sont les consciences qui sont polluées. La télévision, par exemple, nous pollue et pollue nos enfants. Elle sème des graines de violence et d’inquiétude dans l’esprit de nos enfants et dégrade leur conscience, de la même manière que les produits chimiques et les arbres que l’on coupe détruisent l’environnement. Nous devons protéger l’écologie de l’esprit, sinon la violence et l’insouciance dans ce domaine continueront à déborder dans bien des domaines de la vie.

LA RÉCONCILIATION

Que faire quand nous avons blessé quelqu’un qui nous considère maintenant comme son ennemi? La personne peut appartenir à notre famille, à notre communauté ou à un autre pays. Je pense que vous connaissez la réponse. Il faut commencer par prendre le temps de dire : «Je suis désolé, je t’ai peiné par ignorance, par manque d’attention, ou d’adresse. Je ferai de mon mieux pour changer, je n’ose rien te dire de plus.». Il arrive que nous n’ayons pas l’intention de peiner quelqu’un, que nous le fassions par manque d’attention ou de maladresse. Il est important que nous soyons vigilants dans la vie quotidienne, de prononcer des paroles qui ne blessent pas. Il faut ensuite tenter de faire monter en nous le meilleur de nous même, la fleur; de nous transformer. C’est le seul moyen de prouver la sincérité de vos paroles. Quand vous serez régénéré, devenu agréable, l’autre ne tardera pas à le remarquer. Par la suite, chaque fois que vous aurez l’occasion de l’approcher, vous viendrez à lui comme fleur et il notera tout de suite que vous avez beaucoup changé. Peut-être ne sera-t-il même pas utile que vous parliez. Vous voir ainsi lui suffira, il vous acceptera et vous pardonnera. C’est « parler avec sa vie et pas seulement avec des mots » comme on dit. Lorsque vous commencez à voir la souffrance chez votre ennemi, c’est que votre vision s’est approfondie. Lorsque vous voyez en vous le désir que cette personne ne souffre plus, c’est signe de vrai amour.

Mais prenez garde, on peut penser parfois être plus fort qu’on ne l’est vraiment. Pour éprouver votre force, allez à l’autre pour l’écouter et lui parler, vous saurez aussitôt si votre amour compatissant est authentique ou non. Vous avez besoin de l’autre pour le découvrir. Si vous vous contentez de méditer quelques principes abstraits comme la compréhension ou l’amour, ce peut-être seulement de la compréhension ou de l’amour imaginaires. Se réconcilier ne veut pas dire signer un traité hypocrite et cruel. La réconciliation s’oppose à toute forme d’ambition et ne prend aucun parti. La plupart d’entre nous choisissent leur camp en tout combat ou conflit. Nous distinguons entre le bien et le mal sur la base de preuves partielles ou d’ ouï-dire. Pour agir l’indignation est nécessaire, mais une indignation, même justifiée et légitime, ne suffit pas. Notre monde compte suffisamment de gens prêts à se jeter dans l’action par indignation. Ce dont il a besoin c’est de personnes capables d’amour, qui ne choisissent pas leur camp et donc peuvent avoir une vision globale de la réalité.

Nous devons continuer à pratiquer la pleine conscience et la réconciliation jusqu’au jour où nous verrons en l’enfant décharné et squelettique d’Ouganda ou d’Éthiopie notre propre enfant, jusqu’au jour où la faim et la souffrance de toute espèce de vie seront devenues nôtres. Alors nous verrons tous les êtres avec les yeux de la compassion et nous pourrons véritablement œuvrer à l’allégement de la souffrance.

Extrait de «La Sérénité de l’instant» (Paix et joie à chaque pas) 1992
Traduction Sterling Collins et Marie-Béatrice Jehl

Thich Nhat Hanh
Village des pruniers
http://www.villagedespruniers.org/

25 mai 2011

Commentaires à «Dans les chaussures...»

Le problème technique de Blogger n’est pas réglé – mais je peux quand même publier des messages. Cependant si je veux répondre à un commentaire, je dois revalider la connexion du blog. Plutôt ennuyeux.  

Alors, voici le dernier commentaire de Citoyen planétaire à «Dans les chaussures de la déprimée» :
«La perte de statut social (vieillesse) et d'autonomie, la peur de la solitude, la peur de souffrir, le refus de lâcher prise... misère! Tout ne s’arrange pas nécessairement, tout ne se redresse pas obligatoirement, tout ne se répare pas forcément. Cependant on peut effectivement verser dans les rouages et sur les pivots l’huile de l'amour et non le vitriol de la peur...»

Réponse :

Surtout l’hystérique peur collective de la mort.

Elisabeth Kübler-Ross disait dans l’introduction de son livre «La mort est un nouveau soleil» :

«Beaucoup de gens disent : «Le Dr. Ross a vu trop de mourants. Maintenant elle commence à devenir bizarre.» L’opinion que les gens ont de vous est leur problème et non le vôtre. Il est très important de le savoir. Si vous avez bonne conscience et que vous faites votre travail avec amour, on vous crachera dessus, on vous rendra la vie difficile. Et dix ans plus tard on vous donnera dix-huit titres de docteur honoris causa pour le même travail. C’est ainsi qu’est ma vie maintenant.
     Lorsque, pendant de nombreuses années on est assis au chevet d’enfants et de personnes âgées qui meurent, lorsqu’on les écoute et qu’on les écoute vraiment, on s’aperçoit qu’ils savent que la mort est proche. Tout d’un coup quelqu’un vous dit au revoir alors que vous êtes loin de penser que la mort pourrait intervenir prochainement. Mais si vous ne refusez pas cette déclaration, si vous restez assis, le mourant vous dit tout ce qu’il voudrait communiquer. Lorsque le malade meurt ensuite, vous avez le bon sentiment d’être la seule personne qui ait pris ses mots au sérieux. (…)
    L’expérience de la mort est presque identique à celle de la naissance. C’est une naissance dans une autre existence qui peut être prouvée d’une façon tout à fait simple. Pendant deux mille ans on vous a invités à «croire» aux choses de l’au-delà. Pour moi ce n’est plus une affaire de croyance mais une affaire de connaissance. Et je vous dirai volontiers comment on obtient cette connaissance, pourvu que vous vouliez le savoir. (…)
    Mourir est tout simplement déménager dans une plus belle maison, symboliquement s’entend.»  

Comme le dit un personnage du film «Au-delà de nos rêves» : «Quand ta maison tombe en ruines, tu la quittes…»

Autre citation d’E.K.-R. provenant des témoignages de mourants faisant des aller-retour conscients entre le visible et l’invisible avant de quitter le corps définitivement :

«Réjouissez-vous à l’avance de votre transition [mort, passage]. C’est la première fois que vous expérimenterez l’amour inconditionnel. Tout ne sera que paix et amour; tous les cauchemars et les bouleversements vécus n’auront plus d’importance. Lorsque vous effectuez votre transition, en principe, l’on vous demande deux choses : d’abord, combien d’amour avez-vous pu donner et recevoir, et puis, dans quelle mesure avez-vous pu rendre service.
    Et, vous connaîtrez les moindres conséquences de tous vos gestes, de toutes vos paroles et de toutes vos pensées. Et cela, symboliquement, c’est l’enfer car vous voyez toutes les occasions que vous avez ratées. Mais, vous verrez aussi comment un seul geste de bonté a pu toucher des centaines de vies, entièrement à votre insu.
    Ainsi, concentrez-vous sur l’amour pendant que vous êtes ici et enseignez l’amour inconditionnel très tôt à vos enfants. N’oubliez pas de vous concentrer sur l’amour et attendez avec impatience le moment de votre transition. C’est la plus merveilleuse expérience que vous puissiez imaginer.»

Note biographique :

Elisabeth Kübler-Ross est née le 08 juillet 1926 et décédée le 24 août 2004 à Scottsdale, Arizona (États-Unis).

Travailleuse infatigable, pionnière de la thanatologie moderne, du mouvement des soins palliatifs et de l’accompagnement des personnes en deuil, Elisabeth Kübler-Ross, qui supportait mal l’inaction, attendait depuis longtemps cet évènement – sa mort! Enfin libérée de son handicap, elle peut désormais danser parmi les galaxies comme elle se plaisait à l’imaginer. Personnage internationalement reconnu, parfois controversé, Docteur Honoris Causa d’un très grand nombre d’universités à travers le monde, Elisabeth Kübler-Ross n’a laissé personne indifférent à son travail. Elle figure parmi une liste dressée par la presse américaine des 100 personnalités ayant le plus marqué le 20ème siècle.

Son œuvre est considérable : une vingtaine d’ouvrages traduits dans plus de 30 langues, des articles, des séminaires, des conférences par centaines. Ses travaux sont aujourd’hui enseignés dans toutes les facultés de médecine et de psychologie, les écoles d’infirmières et d’aides-soignantes… Elle continue par ses écrits à soutenir nombre de malades et de familles confrontées à la maladie grave, la mort et aux difficultés de l’existence.

Site en français : http://ekr.france.free.fr/elisabeth.htm
Anglais : http://www.ekrfoundation.org/

23 mai 2011

Dans les chaussures de la déprimée

Hier j’ai écrit ce billet en revenant de l’hôpital; j’ignorais que c’était la «Semaine de la maladie mentale»…

***
Le parloir de la mort


J’attends ma mort.
Depuis plusieurs années.
Me revoilà à l’hôpital.
La patiente d’à côté saute des coches.
La matrone l’attache
Et lui administre un «calmant».
Je suis mieux de me taire.

Je veux mourir.
Mais je n’ai pas le droit.
Pourtant on m’a permis de naître.

Le mois dernier, une infection urinaire.
Ce mois-ci, une pancréatite,  
Une vésicule biliaire pierreuse.

Les autres fois, c’était l’angoisse, la peur
Et les crises de panique
Qui m’amenaient épisodiquement
À l’urgence.
Parfois en manque de pilules-bonbons :
Ativan (Lorazepam), Paxil, Risperdal,
Clonazepam, et je ne sais plus quoi.
Lorsque l’effet disparaît,
C’est l’enfer de l’accro aux benzo
Je rêvais qu’on me livre
Une cargaison d’Ativan,
La p’tite pilule miracle avec
Hallucinations schizophréniques
Et actes manqués en prime!
Dépendance, sevrage, dépendance, sevrage.
Une méthode efficace
Pour vendre de la drogue légale.

Ce matin, j’ai encore arraché
L’aiguille du soluté.
Une autre hémorragie,
Comme le mois dernier.
Le plancher était couvert de mon sang.
Si au moins j’avais pu me vider
Pour de bon.

Depuis un an on m’administre de l’Ebixa
Un médicament censé ralentir
La progression de l’Alzheimer.
Faites-moi rire!  
Même si on me répète une chose
Plusieurs fois, j’oublie instantanément.
Il faut répéter, répéter, répéter
Sans résultat.
Je vois l’exaspération
Dans les yeux de l’entourage
Et je suis moi-même très frustrée,
Mais je n’y peux rien.

Je veux mourir
Mais je n’ai pas le droit
De choisir mon heure
Ni la manière.

J’ai supplié les gens de l’entourage
De trouver quelqu’un
Qui me donnerait l’injection mortelle.
En vain. Je les comprends,
Ils iraient en prison.
Je ne souhaite pas ça.
Être prisonnière de mon propre corps suffit.

Je ne me souviens pas comment mourir.
Dommage pour moi,  
Car je souffre, j’ai terriblement mal
De mon arthrose, ostéoporose, et
De tous mes organes qui se décomposent
Suintent et puent par dedans
En prélude à la décomposition
Suivant la mise en terre.

Les médicaments/drogues
N’éliminent pas la douleur.
Je ne suis pas décharnée,   
Je suis enflée, gonflée
Comme un ballon soufflé à l’hélium
Prêt à exploser!

Mes avant-bras sont couverts de «bleus»
Dus aux perfusions.
Mes veines fuient, elles n’en veulent plus!  
Mais moi, je ne peux pas fuir.
J’ai faim, mais je suis incapable
De manger ces choses  
Qu’on ose appeler nourriture.

Je suis confuse.
Je demande à tout instant
Où l’on va m’emmener
Si je vais retourner chez moi…
Ce qu’on va faire de moi.  
Ma destination finale  
Est la mort de toute façon.
Pourquoi attendre?  

Je ne sais plus rien.
Je ne sais pas où je suis.
Je ne sais pas ce que je fais ici.
Je ne suis plus rien
Dans le mortel.  

Je veux mourir
J’ai fait ma part,
Il est temps de partir.
J’ai besoin d’aide.

Prolonger la vie humaine?   
Êtes-vous sérieux?
L’important n’est pas de
VIVRE LONGTEMPS
Mais de
BIEN VIVRE !

Autrefois on disait
«Il est mort de sa belle mort»
Cela ne veut plus rien dire de nos jours...

*** 
«Vivre est un droit, non pas une obligation.»
~ Ramon Sampedro, La mer intérieure

Tout le monde n'a pas envie de vivre éternellement sur terre quand même!

Liens concernant l’acharnement thérapeutique et la mort digne :
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/qui-appartient-ce-corps.html
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/euthanasie-suite.html

AQDMD Le droit de choisir :
http://www.aqdmd.qc.ca/page1.php

***
COMMENTAIRE

J’ai mis les chaussures de ma mère, âgée de 90 ans, le temps de parler pour elle. «Le parloir de la mort» reproduit ses propos – que j’entends depuis un bon moment.

- Sa vue ne lui permet plus de lire – c’était son passe-temps préféré.
- Son audition est foutue – s’ensuivent mésinterprétations et discussions interminables.
- Il ne lui reste que la fichue télévision comme distraction – le parfait média pour créer de la dépression même chez le plus optimiste des optimistes…

Le personnel (très bien conditionné) des soins infirmiers où elle habite profère toujours le même diagnostic fatal : votre mère est déprimée et s’isole! Avec une odeur de reproche…

N’importe qui en ferait autant dans de telles conditions de «vie».
La réaction de ma mère est tout à fait NORMALE !

Qui plus est, il est maintenant reconnu que la tendance au suicide fait partie des effets secondaires du Paxil – pour ne mentionner que celui-là… 

Des publicités comme «La dépression ça fait mal; remplissez la liste des symptômes et parlez-en à votre médecin» veulent nous faire croire que tout le monde est dû pour sombrer dans la dépression un jour ou l’autre, que c’est «la» maladie du 3e millénaire.

Je ne nie pas l’existence de la vraie maladie mentale, ou de la vraie folie, qu’elle soit d’origine génétique ou autre. Et je suis persuadée que certains médicaments peuvent être salutaires en cas de détresse provenant de traumatismes graves ou en raison d’un milieu de vie la favorisant.

Mais, affirmer qu’éprouver tel ou tel groupe d’émotions est un trouble mental ou une maladie mentale, ça, c’est vraiment dingue. Le catalogue DMS serait-il infaillible?

Mais, dieu merci, le système de «santé» est là, et il entend bien résoudre nos problèmes coûte que coûte. Je suppose que tous les médecins et les psy ne donnent pas dans le «marketing de la maladie mentale». Plusieurs sont peut-être même inconscients des ravages occasionnés par les dangereuses pilules-bonbons qui ne guérissent pas et tuent à petit feu. Néanmoins, tout le monde sait que le «vivotant» rapporte des milliards.

Les situations de la vie génèrent des pensées qui à leur tour éveillent des émotions – douloureuses ou joyeuses. Il est normal d’éprouver des émotions puisque nous sommes des êtres dotés de cette faculté et que c’est un aspect inévitable de l’expérience terrestre.

Le pendule des émotions vacille de gauche à droite, sans arrêt. Les vrais problèmes surviennent lorsqu’on veut fixer le pendule à un endroit précis, notamment du côté joyeux. Mais c’est impossible. La seule façon de supprimer les émotions est de court-circuiter les neurones du cerveau limbique à l’aide de médicaments ou d’électrochocs.

La méditation ne garantie pas le soulagement immédiat ni la suppression des émotions, bien sûr. Mais avec du temps et de la persévérance, l’on finit par relativiser ou dédramatiser, à porter un regard éclairé et lucide sur les événements… et sans pilules.

Prendre des antidépresseurs à vie ou méditer à vie relève d’un choix personnel; mais ce choix n’aura pas les mêmes conséquences sur l’état de santé biologique.

En ce qui me concerne, je n'ai de leçons à donner à personne; je trouve simplement l'obligation de vivre en totale perte d'autonomie plus que triste.

Pour plus de détails concernant le mental, les émotions et la méditation :
http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/07/en-cas-de-deprimite-aigue.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/08/la-serenite-dans-le-trouble.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/07/inattendu.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/10/le-passe.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/coups-de-cafard.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/12/swing-emotionnel.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/03/quotient-emotionnel.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2011/01/la-tragedie.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/laudace.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/reconnaitre-la-souffrance.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/11/le-renoncement.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/10/les-attentes.html 

http://situationplanetaire.blogspot.com/2010/09/intuition-et-creativite.html

Série «Désarmer le mental 1, 2, 3» - 01/06/10 Libellé Joko Beck

Concernant la maladie mentale : Série “The Marketing of Madness” 
http://www.youtube.com/watch?v=Y1nbZCNDgbY&feature=player_embedded