12 novembre 2015

Le test de l’aide sociale

TOUS LES ÉLUS (à commencer par Sam Hamad) devraient vivre deux mois d’errance en tant que prestataires de l’aide sociale et subir leurs propres préjugés. Comme les deux cobayes de la série Naufragés des villes (1) : sans statut ni adresse fixe, sans CV ni réseau d’amis, sans carte bancaire, carte de crédit ni passe de métro... Nous aurions assurément des administrateurs plus équitables!


Dans cette veine, je me permets de reproduire le texte de Bianca Longpré – trop bon!

Sam et le BS
Bianca Longpré
HuffingtonPost Québec, 11/11/2015

On va enfin couper le BS à ceux qui peuvent travailler. Enfin, ceux qui peuvent travailler seront obligés de le faire sinon leur gros chèque de BS sera amputé. Je dis enfin parce que c'était clairement LA préoccupation de tous les Québécois. En tant que bonne «payeuse d'impôt», j'avais vraiment hâte que ces profiteurs-là paient. 
     L'idée est que si tu habites Montréal et qu'on te trouve une job à Mont-Laurier ben, tu vas déménager. Tu ne veux pas déménager, ben on va te couper ton gros chèque de 600 $ par mois. Facile de même. 
     Tu as trois enfants qui vont à l'école à Montréal-Nord et tu n'as pas de permis de conduire, ce n'est pas le problème du gouvernement et encore moins le problème des contribuables. T'avais juste à t'organiser pour que le magasin du Dollar où tu travaillais ne ferme pas. Tu t'en vas travailler à Donnacona où on t'a trouvé une job au Croteau. That's it. 
     Tu habites à Laval, t'es monoparental, ton fils autiste t'a obligé à te rendre souvent l'hôpital pour des rendez-vous puis tu as perdu ta job. Héééééé, ce n'est pas mon problème. Même si tu as tout ton cercle d'aide et tes services à Laval, tu vas devoir t'organiser. Tu vas déménager à Pierrefonds. Des services, tu vas en retrouver puis pour le cercle d'aide, ben ce n'est pas le problème des contribuables. 
     Les contribuables n'ont pas de cœur. Les contribuables s'en sacrent de tes problèmes. Le fait qu'on paie des impôts nous donne le droit de gérer comme on veut. C'est en tout cas ce que semble dire le gouvernement. 
     «Chaque citoyen doit faire un effort, surtout pour améliorer son sort et gagner sa dignité», a dit le ministre du Travail, Sam Hamad. 
     Et voilà. Bouge ton cul. Ton sort, tu dois l'améliorer. Et si pour l'améliorer, tu dois aller à Mont-Laurier, ben tu vas y aller.

Excusez-moi, je dois vomir un peu.

Cher ministre du Travail,

Je suis une contribuable. Je paie plus d'impôt que la majorité des gens pour la simple et bonne raison que je fais plus d'argent que la moyenne des gens. Comme je l'ai déjà dit, je suis une enfant de BS. Aujourd'hui, je fais de l'argent. Je paie mes impôts. Ma petite entreprise paie ses impôts. Je dépense au Québec. J'achète le plus possible local et je bois même du vin québécois pour éviter d'envoyer mes piastres ailleurs. Je fais tout ce que je peux pour que mon argent reste au Québec. Oui monsieur, je suis une vraie contribuable. 
     Sam, quand tu parles en mon nom, je te prie de le faire avec un peu plus d'empathie. Quand tu parles au nom des contribuables, fais bien attention à ce que tu te permets de dire et ne t'avise pas d'essayer de faire passer tes désirs de ministre et d'austérité à travers moi. Parce que moi, même si je paie des impôts, je ne veux pas que tu coupes le BS à ceux qui ne veulent pas déménager. Je ne veux pas que tu coupes le BS à la personne qui est en désintox. Je ne veux pas que la mère de famille qui s'occupe de ses enfants au lieu de travailler crève de faim. 
     Si ton gouvernement veut parler en mon nom, avise Philippe que moi, j'en ai plein mon cass des paradis fiscaux. Je suis écœurée de voir que des enfants n'auront plus l'aide nécessaire à l'école quand des compagnies ne paient pas une maudite cenne d'impôt. J'ai le goût de vomir quand tu coupes l'argent aux écoles défavorisées, mais que des ministres reçoivent des primes de départ à six chiffres. 
     Sam, les BS devraient être les derniers à être coupés. 
     Avant de couper chez les plus pauvres, fais donc le ménage dans toutes les subventions aux entreprises méga-lucratives qui servent à dorloter les plus riches. Va faire le ménage dans les comptes de dépenses de tes ministres. Va faire le ménage dans la corruption. 
     Quand tu parles en mon nom, tu peux dire : «Les contribuables québécois veulent que la corruption cesse, que les grosses entreprises paient leur impôt comme eux, que les primes de départ cinq fois plus grosses que le salaire annuel moyen cessent.» 
     Quand tu parles en mon nom, tu peux dire : «Les contribuables souhaitent mettre fin aux paradis fiscaux où des millions s'envolent en impôts impayés. Les contribuables québécois moyens en ont plein le cul de payer et que les plus riches s'en sauvent.» 
     Quand tu parles en mon nom, tu peux dire : «Les contribuables québécois veulent des programmes pour aider les plus pauvres. Les Québécois veulent que les riches paient leurs impôts pour réinvestir en santé et en éducation. Les contribuables sont écœurés de voir leurs services coupés quand on gaspille les fonds publics avec de la corruption et des contrats faramineux.»

Ça mon Sam, c'est parler en mon nom. Rappelle-toi en.

http://quebec.huffingtonpost.ca/?country=CA&region=CA-QB

-------

(1) Série Naufragés des villes diffusée sur tou.tv.
http://ici.tou.tv/naufrages-des-villes/S01E01?lectureauto=1

Au Canada, aujourd'hui, que signifie au juste «être pauvre»?

Deux volontaires – un homme et une femme gagnant très bien leur vie – laissent tout leur passé derrière eux... Pendant les deux mois que durera l'expérience, ils n'auront aucune ressource financière, outre les 19$ par jour qu'on leur versera – soit l'équivalent de la prestation d'aide sociale pour une personne vivant seule. Sous l'oeil analytique d'experts et d'intervenants sociaux triés sur le volet, leur périple est le fil conducteur d'une série de dix épisodes qui documente leurs efforts pour se loger, se nourrir, se soigner, se vêtir, trouver un emploi… et se heurter aux préjugés.
   À travers leur expérience et leurs rencontres, on réalise que la pauvreté n’est pas une tare héréditaire. Elle est souvent la conséquence de simples mauvais coups du sort – maladie, séparation, dépression, perte d’emploi – qui peuvent, du jour au lendemain, aspirer quiconque dans une spirale infernale.

1. Pauvreté 101 – Les deux volontaires s’apprêtent à tout quitter pendant deux mois pour vivre l’expérience de la pauvreté. Sans rien d’autre qu’un sac à dos et un chèque d’aide sociale de 592,08 $ en poche, ils appréhendent un avenir incertain en milieu inconnu. Pierre Côté, 53 ans, un consultant en marketing de Québec, et Emmanuelle Chapados, 27 ans, une diplômée en communications de Moncton, doivent s’organiser rapidement alors qu’ils sont parachutés à Montréal, coupés de leur passé.

2. L’itinérance – Emmanuelle est toujours itinérante. Elle se résout à dormir dans un refuge pour femmes. Pierre, lui, apprécie ses nouveaux colocataires, même si l’appartement n’est pas très propre. Avec l’un d’eux, il visite une banque alimentaire. Chaque dollar compte. Partout autour d’eux, l’itinérance saute aux yeux. Le phénomène ne touche pas que les hommes. Il rejoint autant les femmes que les jeunes. Certains arrivent à s’en sortir. Mais c’est rare, surtout quand la toxicomanie, l’alcoolisme ou les problèmes de santé mentale s’en mêlent.

3. Le logement – Le désordre et le mode de vie marginal de ses colocs ne sont pas de tout repos pour un quinquagénaire comme Pierre. Il lui faut rapidement trouver du travail. De son côté, Emmanuelle déniche enfin un appartement. Après avoir payé le loyer, il lui reste moins de 100 dollars pour survivre jusqu’à la fin du mois. Le logement est un besoin de base. Pourtant, au Canada, beaucoup de gens vivent, soit dans la rue, soit dans des logements insalubres, ou encore ils payent beaucoup trop cher et doivent amputer leur budget consacré aux autres besoins essentiels.

4. Les travailleurs pauvres – Avec seulement 50 $ en poche, Emmanuelle est stressée; elle multiplie les démarches pour trouver un emploi. Une agence de placement lui trouvera finalement du travail dans une usine. Pierre décroche une entrevue chez McDonald’s. Il se soumet au psychotest de l’employeur, mais demeure sans nouvelles par la suite. À 10 $ de l’heure en dessous de la table, Pierre, a gagné un salaire de 325 $. Il affiche le sourire d’un gars soulagé, qui a enfin trouvé le moyen de s’en sortir. Mais, ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il ne pourra bénéficier de cet argent-là (pour les besoins de l’expérience, la production a retenu sur son nouveau chèque l’excédent des revenus gagnés au noir).

5. Les mythes du «BS» – Emmanuelle se résout à s’adresser à la Saint-Vincent de Paul afin d’obtenir un bon d’achat pour se procurer de la nourriture. De son côté, Pierre est ragaillardi à l’idée de toucher sa prestation d’aide sociale. Le choc est brutal lorsqu’il reçoit un chèque amputé de l’excédent de ses revenus obtenus au noir. 

6. Se nourrir – Pierre emménage dans une chambre spartiate dont le frigo est désespérément vide. Il jongle avec un budget de misère et doit faire preuve d’ingéniosité pour s’alimenter. Mettant sa fierté en veilleuse il se rend à une soupe populaire. Comme tous les bénéficiaires d’aide sociale, il ne peut gagner plus de 200 $ supplémentaires par mois. «On joue la game, et le travail au noir, on peut pas passer à côté de ça!», tranche-t-il. Emmanuelle joint un groupe de cuisine collective. Pour l’instant, les deux volontaires sont à l’abri de la faim. Mais, qui aurait dit que le simple besoin de manger pouvait être synonyme de tant de stress?

7. Grandir pauvre – Afin d'augmenter ses revenus, Pierre continue de faire des petits boulots : sondages téléphoniques, entretien de pelouses, plonge... Les naufragés apprivoisent peu à peu leur nouvelle réalité. Reconnaissants du soutien qu’ils ont trouvé dans la communauté, Emmanuelle et Pierre s’engagent à leur tour en faisant du bénévolat. La pauvreté n’a pas d’âge. On peut la croiser très tôt, lorsqu’on est enfant, parce que nos parents sont pauvres. Mais, il y a aussi les aînés pauvres, sans aucune chance de se refaire. Et, enfin, il y a les immigrants pauvres. La pauvreté n’a donc ni âge ni frontières...

8. Exister économiquement – Après avoir déménagé, Pierre comprend que son ancien propriétaire ne lui remboursera pas les 100 $ d’acompte. Fauché, il doit visiter un prêteur sur gages. Emmanuelle a trouvé un petit boulot. Avec ses quelques dollars en poche, lasse des privations et se sentant vaguement coupable, elle s’offre un concert... et se trouve sans le sou à nouveau!  Pas évident de se priver quand on a connu le confort.

9. Se soigner – Souffrant d’une sinusite aiguë, Emmanuelle mesure les conséquences de ses actes : ayant dépensé pour assister à un spectacle la veille, elle n’a plus les moyens d’acheter des médicaments. Pierre, lui, doit se rendre d’urgence au chevet de sa fille, hospitalisée à Québec. Ces frais de transport imprévus ont des conséquences majeures sur son budget. Quand on est pauvre, la santé devient secondaire. Sans assurances, adieu dentistes, opticiens et psychologues! Il faut d’abord manger, se loger et se vêtir. Survivre est la première considération; si la santé vient avec, tant mieux...

10. S’engager (émission bilan) – Quelques mois après la fin de l'expérience, on retrouve Emmanuelle et Pierre pour dresser le bilan de leur aventure. Cette incursion dans la pauvreté les a-t-elle changés? Le retour des naufragés en sol montréalais ravive les souvenirs. Ceux-ci sont remplis d’images vives de petits bonheurs, de grandes détresses, de paniques intérieures et de tous les autres sentiments de survie liés à leur situation précaire. Tout comme les naufragés, notre perception de la pauvreté aura peut-être changé. Certains préjugés seront peut-être tombés en voyageant au cœur d’une réalité qui frappe plus de 3 millions de personnes au Canada.

Année de production : 2011; Production : Blimp Télé Inc. - Marc St-Onge et Isabelle Vaillancourt; Pays : Canada

-------
En passant, il semble que la Ville de Montréal gaspillera 35,9 millions de dollars pour illuminer le pont Jacques-Cartier à l’occasion de son 375e anniversaire en 2017 et pour les 10 années suivantes. L'illumination de pont la plus chère du monde.
     «Je crois que les gens vont être fiers, et ça va créer de l'emploi», affirme Gilbert Rozon. Oui, ça prend quatre personnes pour changer une ampoule! Un coup parti, pourquoi ne pas rebaptiser le collier de p'tites lumières «Pont Marie-Antoinette»?

Blague à part, c’est scandaleux.
Combien de pauvres pourraient être secourus avec pareille somme?! 


Lorsque les pauvres habitent dans des taudis mal chauffés, ils augmentent leur risque de tomber malades et de se retrouver dans les hôpitaux. De même, les personnes très pauvres font face à un risque élevé d'enfreindre la loi et d'aller en prison, ou d'être elles-mêmes victimes d'un crime.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire